Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/12

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endommager les plantes femelles, d’arracher sans secousse, s’il est possible, de ne point renverser ou incliner leur tête ; & lorsqu’ils auront rassemblé une certaine quantité de tiges, ils les porteront hors de la chenevière : alors leur sommité sera étendue sur des draps dans le champ même, ou bien la charrette destinée à voiturer la récolte au logis, sera environnée de draps. Je sais que la graine ne se sépare pas facilement du calice qui la renferme ; mais comme la maturité des graines est en raison de la manière dont la plante a fleuri, il est constant qu’une certaine masse de graine est près de tomber & tombe facilement, tandis que l’autre partie est encore fortement enveloppée dans les calices. La petite précaution que j’indique coûte si peu, que c’est une pure négligence si on ne la prend pas ; au surplus, c’est le seul moyen pour ne rien perdre.

Dans certains endroits on pratique une fosse circulaire, & on range tout autour les gerbes de chanvre, de manière que la tête des tiges couvre la fosse. Lorsque tout le chanvre est ainsi rangé sur une ou plusieurs fosses, suivant la quantité de gerbes, on recouvre avec la terre tirée de la fosse, la partie des gerbes qui la bouchent : l’eau de végétation encore contenue dans la plante, échauffée par le soleil, entre en fermentation ; le calice s’ouvre & laisse échapper la graine ; enfin elle se précipite dans la fosse. Cette méthode est à la vérité assez expéditive, mais elle n’est pas sans inconvénient. Si les gerbes restent ainsi plus longtemps qu’il ne convient, la fermentation augmente beaucoup, la masse s’échauffe, l’esprit recteur agit sur l’amande contenue dans la coque ; l’amande rancit & ne peut reproduire une tige lorsqu’on la sème ensuite. Cette opération suppose encore qu’on est assuré de la constance du temps ; car si des pluies un peu abondantes surviennent, la fosse se remplit d’eau, & la fermentation commencée amène promptement la pourriture.

Je préfère la méthode de faire faner les tiges contre un mur, exposées au gros soleil, & de les secouer ensuite avec une petite baguette sur un drap étendu & destiné à recevoir la graine lorsqu’elle tombe.

Dans le Journal Économique du mois de Mars 1759, on propose la méthode suivante pour se procurer de la belle graine pour les semailles. L’auteur conseille de semer une certaine quantité de graine dans un champ destiné à la culture des haricots, & par conséquent de semer ces graines fort clair. Le chanvre, en grandissant, tiendra lieu de rames aux haricots : voilà déjà une économie ; & comme ceux-ci ont besoin d’être travaillés de temps à autre, le chanvre profitera de ces petits labours. Comme je n’ai pas répété cette expérience, je n’ose prononcer. En l’admettant pour sûre, d’après l’auteur anonyme, il reste un doute : l’odeur du chanvre, très-forte & très-désagréable, ne se communiquera-t-elle pas aux haricots ? Si l’eau dont la plante de chanvre sera imbibée & chargée par une pluie, tombe sur le haricot encor tendre, ne s’appropriera-t-il pas le mauvais goût de cette eau ? on est porté à le croire, puisque l’aristoloche qui se marie à un cep de vigne, imprègne le raisin de son mauvais goût ; & le raisin