Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/142

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emploie de plus : la lenteur de sa marche permet au laboureur de guider sa charrue comme il veut, sans beaucoup se fatiguer ; de sorte que le soc fouille la terre à la profondeur qu’il désire, sans qu’il soit obligé d’être continuellement attentif à examiner si la raie est droite, ou si elle est continuée à la même profondeur, comme il doit y faire attention lorsque la charrue est tirée par des chevaux ou des mulets, parce que la vîtesse de leur marche, souvent peu mesurée, donne des secousses à l’arrière-train de la charrue, qui dérangent la direction du soc, en le faisant aller de côté, ou en le soulevant, ce qui diminue son entrure.

Dans les terreins forts, difficiles, inégaux, un attelage de bœufs est préférable à un attelage de chevaux, parce que le bœuf est plus propre à résister à un travail pénible, que le cheval qui seroit bien plutôt fatigué. L’espèce de culture qu’exigent ces sortes de terres, est plus aisée à faire avec des bœufs, parce que, à nombre égal, outre qu’ils sont plus forts au tirage que les chevaux, ils sont plus patients dans le travail, quelque pénible qu’il soit : d’ailleurs la lenteur de leur marche rend le conducteur absolument maître de gouverner sa charrue d’une manière propre à faire un labour uniforme ; il ouvre des sillons à la profondeur qu’il désire, en leur donnant une largeur proportionnée. Les chevaux, beaucoup plutôt fatigués, ne tirent plus que par secousses ; le conducteur doit donc avoir de la peine à gouverner sa charrue de façon que le soc ait toujours autant d’entrure dans la même direction, pour que le labour soit égal. Quand une terre est bien friable, & que les résistances qu’elle oppose sont uniformes à peu près, le cheval tire assez bien sans se dégoûter ; mais s’il est dans une terre argileuse, pour peu qu’elle soit glissante, ses pas ne sont point assurés ; il ne tire plus alors qu’avec négligence & par secousses. Il en est de même des mulets, qu’on ne gouverne pas toujours comme on désire, sur-tout quand on en rencontre de vicieux & rétifs, comme il arrive quelquefois. Dans les pays de coteaux ou de montagnes, la difficulté de cultiver les terres, ne rend point les chevaux fort propres à être mis au tirage des charrues ; ils ne résisteroient pas long-temps à un genre de travail qui épuiseroit leurs forces, & les mettroit dans peu hors de service. Les mulets supporteroient mieux la fatigue qu’ils auroient à tirer dans de tels pays, & ils ne seroient pas sitôt hors d’état de servir. Cependant on préfère encore les bœufs avec raison, parce qu’ils rendent la culture plus aisée, & qu’ils résistent plus long-temps aux différens travaux qu’on exige d’eux.

Les accidens qu’il y a à craindre pour les animaux qu’on emploie à la culture des terres ; la plus grande ou moindre facilité de les nourrir ; le parti qu’on peut en tirer lorsqu’ils sont hors de service ; toutes ces considérations doivent influer dans le choix qu’on veut faire, parce qu’elles peuvent diminuer les frais d’agriculture. L’attelage de deux ânes est, sans contredit, le moins dispendieux qu’on puisse choisir ; celui dont l’entretien & la nourriture soient moins à charge au cultivateur, & pour lequel il y ait peu d’accidens à craindre ; mais on ne peut point