Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

disposer de façon qu’elles tirent toutes également autant qu’il est possible. Quand l’effort qu’il faut faire est bien partagé, il est moindre pour chaque bête ; au contraire s’il tombe plus sur l’une que sur l’autre, celle qui a plus de peine, fatigue par conséquent davantage, & elle n’est point capable de soutenir le travail aussi long-temps. En attelant les bêtes de tirage deux à deux, il faut nécessairement qu’elles tirent avec égalité & en même temps, si elles sont de la même force ; quand même il y en a une plus foible, elle tire autant qu’elle peut, & plus que si elle étoit en avant, parce qu’elle est forcée de suivre sa compagne. Quand elles sont, au contraire, à la queue les unes des autres ; celle qui est au timon fait toujours un plus grand effort, elle fatigue continuellement, tandis que les autres tirent avec négligence, & ne donnent quelques coups de collier que de temps en temps, quand elles sont excitées par le fouet de celui qui les conduit.

Quand l’attelage d’une charrue est de quatre chevaux, par exemple, il faut avoir soin de mettre au timon, dans l’après-dîner, ceux qui ont été devant dans la matinée : de cette manière la peine sera partagée également, & ils ne fatigueront pas plus les uns que les autres. Pour pouvoir faire cela, il est nécessaire, quand on commence à les mettre au tirage, de les accoutumer à être tantôt au timon & tantôt devant, afin qu’ils ne prennent point de fantaisies en contractant l’habitude d’être toujours attelés de la même manière. Cette précaution est sur-tout essentielle pour les mulets, dont l’humeur rétive ne se prête pas toujours à ce qu’on exige d’eux. Si dans un attelage de quatre chevaux, il y en a deux qui soient jeunes & pleins de vigueur ; afin de les dompter un peu on doit les mettre dans la première demi-journée au timon : si on les atteloit devant quand ils sont tout frais & bien reposés, pour peu qu’ils fussent excités, ils se livreroient à leur ardeur & ceux du timon auroient bien de la peine à les retenir : le labour ne seroit point égal, parce que le conducteur gouverneroit difficilement sa charrue.

Quand les bêtes d’attelage sont bien exercées au tirage de la charrue, un laboureur en conduit aisément quatre attelées deux à deux : les deux premières, averties par un coup de fouet, avancent & tournent sans peine quand elles sont arrivées au bout de la raie. Si elles ne sont pas bien exercées, on ne peut point se dispenser de mettre deux hommes pour conduire une charrue, dont l’un doit tenir les manches pour la gouverner, & l’autre marcher à côté des deux premières, pour les exciter & les faire tourner à propos.

Dans un attelage nombreux, toutes les bêtes ne sont pas également exercées à tirer la charrue ; il y en a qui sont fort jeunes & qui ont beaucoup de vivacité ; il seroit dangereux par cette raison de les atteler toutes seules. C’est une attention qu’il faut avoir, de ne point composer l’attelage d’une charrue avec des bêtes trop jeunes : sans être trop excitées elles se laisseroient entraîner à une ardeur fougueuse qu’on auroit de la peine à modérer ;