Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/147

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l’entrure, & que le soc suive la direction qu’on lui a donnée, le conducteur ne doit point cesser d’appuyer sur les manches, mais plus légèrement qu’il n’avoit fait d’abord pour entamer le terrein, en dirigeant son effort sur le côté du versoir, afin qu’il renverse la terre comme il faut sens dessus dessous. Quand le soc n’a qu’une aile du côté du versoir, c’est-à-dire, à la droite, l’action du conducteur qui appuie sur les manches, est d’autant plus nécessaire, que c’est le moyen le plus certain d’ouvrir une raie fort large, & de bien fouiller la terre pour la diviser & l’ameublir.

Quand le laboureur s’apperçoit, dans le cours de son travail, que la charrue pique trop ou pas assez, c’est-à-dire, que le soc s’enfonce plus qu’il ne devroit, ou qu’il ne fouille pas la terre à la profondeur qu’il désire, ce qui peut arriver, quoiqu’il ait dans le commencement disposé sa charrue comme elle devoit être ; il doit tout de suite y remédier en enfonçant les coins qui se sont lâchés, ou en remettant l’âge sur l’avant-train à la hauteur qu’il convient, afin de donner à l’angle que fait l’âge avec la superficie du terrein, l’ouverture qu’il doit avoir pour que la charrue pique de la quantité convenable. Cet expédient est le seul qu’il doive employer pour faire un labour égal. La plupart des laboureurs négligent ce soin, par la paresse d’arrêter un instant leur charrue : ils se contentent d’appuyer sur les manches, en dirigeant leur effort en avant, s’il faut donner plus d’entrure au soc, ou d’appuyer sur l’extrémité des manches, en portant l’effort en arrière, afin de soulever le soc pour qu’il prenne moins d’entrure. Cette méthode supplée, il est vrai, à la première pour un instant ; mais comme cet effort de la part du charretier ne peut pas être continu, parce qu’il se fatigue d’appuyer toujours de la même manière, le labour qu’il fait est nécessairement inégal, cette puissance n’étant point un régulateur fixe comme le premier. Dans la même raie il y aura donc des inégalités dans la profondeur du labour ; la terre ne sera point par conséquent fouillée & remuée par-tout à la même profondeur. Outre que cette méthode rend le labour inégal, elle retarde & rallentit la marche de la charrue ; l’attelage a beaucoup plus de peine, par ce qu’il a plus d’effort à faire pour vaincre les résistances qu’on oppose à sa puissance.

Pour donner plus ou moins d’entrure à la charrue, le laboureur doit se régler sur la qualité du terrein qu’il entreprend de cultiver. Il est des terres qu’on peut fouiller plus profondément que d’autres : dans celles qui ont un fonds considérable, on ne doit point craindre de donner beaucoup d’entrure à la charrue, pour qu’elle ouvre un sillon de dix, douze & même quatorze pouces de profondeur. Celles au contraire, qui ont à quelques pouces de leur surface, des couches graveleuses, des tufs, des craies, des terres rouges, &c., il est bon de connoître à quelle distance de la surface elles sont placées, afin que le soc ne les entame point, & ne mêle pas la bonne terre avec le cailloutage, ou la craie, &c. Dans ces sortes de terreins, il faut bien