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& détache enfin l’écorce de la chenevotte. Ce procédé donne un peu plus de peine que le précédent, mais il dédommage amplement des frais par la beauté du fil qu’on en retire.

2o. Du rouissage à l’eau. L’expérience a démontré, 1o. que le chanvre qu’on met à l’eau aussi-tôt qu’on l’arrache, vaut mieux que celui qu’on laisse sécher quelques jours & quelques semaines avant de le mettre rouir. Il est donc inutile d’attendre que la récolte du chanvre femelle soit faite pour rouir le chanvre mâle.

2o. Qu’il est avantageux de couper les racines & la sommité des tiges.

3o. Que le chanvre est plutôt roui dans une eau dormante que dans une eau claire.

4o. Que plus la saison est chaude & l’eau par conséquent, plutôt le chanvre a acquis son complet rouissage.

5o. Que l’accélération de cette seconde méthode de rouir dépend, ainsi qu’il a été dit pour la première, de la sécheresse ou de l’humidité que la plante a éprouvée sur pied, & de la qualité du terrein ou plus sec, ou plus léger, ou plus tenace. Si la chaleur a été trop active, il y aura eu moins d’eau de végétation, & par conséquent le gluten aura été plus rapproché, plus épais, &c. : l’humidité au contraire le délaye, la végétation est plus active, & l’écorce moins adhérente à la tige.

Doit-on faire rouir dans l’eau courante ou dans l’eau dormante, dans l’eau claire ou dans l’eau trouble ? ces problêmes ne sont pas encore résolus. Leur importance devroit engager les Sociétés d’Agriculture & même les Académies à les proposer pour sujets de prix. Il ne s’agiroit pas d’établir des théories dans les Mémoires que l’on enverroit au concours, mais des points de faits & des comparaisons dont les résultats seroient fondés sur une suite d’expériences. La Société d’Agriculture de Bretagne avoit commencé cette belle entreprise ; il est fâcheux que les troubles qui survinrent dans cette province aient mis fin aux expériences de cette société.

M. Duhamel, dont l’autorité est d’un si grand poids en agriculture, paroît donner la préférence au rouissage dans l’eau croupissante, parce que, dit-il, la filasse en devient plus douce. M. Marcandier, à qui l’on doit un bon traité sur la culture du chanvre, préfère l’eau la plus belle & la plus claire ; celle des rivières, parce que ce chanvre est plus blanc, mieux conditionné, qu’il donne moins de déchet, enfin qu’il en sort moins de poussière au battage. On sait que cette poussière affecte cruellement les ouvriers occupés à ce genre de travail, & qu’elle leur abîme la poitrine ; il suffit d’entrer dans un moulin de battage pour s’en convaincre : cette poussière prend aussi-tôt à la gorge, & on est obligé de sortir fatigué par une toux cruelle & opiniâtre. Lorsque cette poussière est aspirée, elle tapisse les bords de la trachée-artère lorsque la glotte s’élève pour l’inspiration, & y cause une irritation qui provoque la toux. Voici à quoi se réduisent les expériences de la Société de Bretagne, & je copie la partie de ce Mémoire.

« Il est encore indécis si l’on doit rouir le chanvre dans les eaux courantes ou dans les eaux dormantes. Un associé du Bureau de Rennes,