Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/14

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est, comme on le voit, plus aisée lorsque le chanvre est placé contre un mur, que dans les autres positions.

Combien de temps doit-on le laisser rouir ? il est impossible de le déterminer. La nature du terrein sur lequel le chanvre a végété, le plus ou moins de pluie, le plus ou moins de sécheresse & de chaleur que la plante a éprouvées dans sa végétation ; enfin la constitution de l’air pendant le rouissage, sont autant de causes qui font varier l’époque du rouissage parfait. C’est au cultivateur à s’en assurer en cassant de temps en temps des tiges, & en examinant si l’écorce se sépare facilement & net d’un bout à l’autre de la chenevotte.

Ceux qui sont forcés de rouir au sec, doivent étendre le chanvre mâle aussi-tôt après l’avoir récolté, parce qu’il sera prêt à être renfermé avant que le chanvre femelle soit arraché. Alors il faudra moins d’abris & il y aura moins de chanvre à retourner à la fois. Quoique cette opération soit l’apanage des enfans & des femmes, il vaut mieux qu’elle dure plus long-temps que d’être trop considérable ; l’ouvrage sera mieux fait & le chanvre mieux roui : quelques soins qu’on donne, ce rouissage n’équivaudra jamais à l’eau, à moins qu’on ne prenne la précaution que je vais indiquer.

Elle consiste à choisir pour routoir, le terrein d’une prairie dont on a coupé le premier foin. On étend par-dessus les pieds de chanvre à mesure qu’on les arrache de terre, & on aura soin auparavant de leur couper la partie branchue & la racine. Ce chanvre doit rester sur la prairie pendant la nuit seulement ; & dès que le soleil paroît, & même avant qu’il ait dissipé la rosée, on l’enlève complétement & on l’amoncèle dans un même tas qui est aussi-tôt entiérement recouvert avec de la paille. Dès que le soleil va se coucher, le chanvre est étendu sur la prairie, le lendemain relevé ; & ainsi de même jusqu’à ce qu’il soit parfaitement roui.

Il est constant que les prairies sont plus surchargées de rosée que les terres labourées, parce qu’il faut compter pour beaucoup l’eau qui s’échappe des plantes par leur transpiration. (Voyez le mot Transpiration) D’ailleurs les plantes serrées les unes près des autres conservent plus long-temps l’humidité : cette eau de transpiration contribue beaucoup au blanchîment du chanvre, puisqu’il est prouvé que la cire étendue sur des toiles, par exemple, placées dans une allée de jardin, blanchit moins promptement que si la toile qui la porte est suspendue sur une prairie. Il est encore prouvé que si cette toile est trop élevée au-dessus de l’herbe, elle blanchit moins vîte ; que du fil sorti des lessives qu’on lui fait éprouver, est dans le même cas, si l’herbe sur laquelle on l’étend est trop grande. Aussi dans les blanchisseries on a le plus grand soin de tenir l’herbe courte.

Lorsque chaque jour au soleil levant, on rassemble le chanvre en monceau, il est pénétré de la rosée & de l’eau de transpiration des plantes. Sa substance mucilagineuse fermente pendant le jour. Quoique le monceau soit recouvert de paille, la chaleur du soleil n’en produit pas moins son effet, la substance mucilagineuse du chanvre entre en fermentation, & c’est cette fermentation qui détruit l’adhésion & la cohérence du gluten,