Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/150

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ne seroit point retenue dans les sillons ; ils seroient au contraire autant de conduits pour son écoulement ; elle entraîneroit les engrais en bas, & la terre même, si elle étoit bien ameublie.

Quand une pièce de terre est située sur la pente d’un coteau, il n’est guère possible de la labourer avec la charrue à versoir fixe : de quelque côté qu’on commençât le réage, il seroit toujours très-difficile d’aller à la rive opposée pour continuer le labour. On ne peut donc labourer ces sortes de terreins qu’avec les charrues à tourne-oreille, ou à versoir amovible, parce qu’en changeant le versoir de côté au bout de chaque raie, on continue à labourer une pièce de terre par la rive où l’on a commencé, & on finit par celle qui lui est opposée.

Puisqu’il y a des charrues de plusieurs espèces, & qu’elles ne sont pas toutes également propres pour les différentes sortes de cultures, on peut donc dire que toutes les terres ne doivent point être labourées de la même façon. L’uniformité de culture supposeroit tous les terreins d’une égale qualité : or, il est certain que la nature, la qualité, le degré de profondeur des terres font extrêmement variés.

o. Il y a des terres maigres & légères, qui n’ont presque point de fond, c’est-à-dire, qu’à quatre ou cinq pouces de profondeur, on trouve des couches graveleuses, des tufs, des craies, quelquefoi, même le rocher. Quoiqu’on ne puisse pas espérer que ces sortes de terres produisent beaucoup, cependant on les cultive, on les ensemence ; & quand on n’épargne point les engrais, elles dédommagent un peu de la peine & des frais de culture. Or toutes sortes de charrues ne conviennent pas pour cultiver ces terres, qu’on ne doit point labourer comme celles qui ont beaucoup de fond. Le laboureur, en se servant d’une charrue fort légère à laquelle il attèle un cheval ou deux seulement, doit se contenter de labourer la superficie, afin de ne point ramener à la surface la mauvaise terre qui est en dessous. S’il employoit une forte charrue, il ne seroit point maître de l’entrure qu’il ne pourroit pas toujours donner de la quantité qu’il voudroit, parce que la seule pesanteur du sep & du soc, suffiroit pour enfoncer la charrue plus avant qu’il ne faut, de sorte qu’elle piqueroit trop, relativement à la qualité du terrein.

2o. Il y a des terreins qui n’ont que six ou sept pouces de fond, après lesquels on trouve des couches d’une terre rouge stérile : malgré cela, ces terreins sont très-propres pour produire du blé ; mais pour profiter de la bonne qualité de terre qui est au-dessus d’une autre terre stérile, il faut donner peu d’entrure à la charrue, afin qu’elle ne pique exactement que dans le fond de la bonne terre : comme ces sortes de terreins ne sont pas difficiles à cultiver, puisqu’il ne faut point les fouiller à une grande profondeur, il est bon de ne se servir que des charrues légères : la charrue à tourne-oreille, par exemple, est très-utile pour cette culture ; on peut encore se servir, avec avantage, des cultivateurs dont nous avons donné la description, parce qu’ils n’ouvrent pas la terre à une grande profondeur.