Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/151

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3o. Les terres fortes & argileuses, ou dont la qualité est un sable gras, doivent être labourées le plus profondément qu’il est possible. Comme elles ont un fond de terre considérable, on peut faire les sillons à la profondeur qu’on désire ; par conséquent on peut donner douze ou quatorze pouces d’entrure à la charrue. La terre n’étant féconde qu’autant qu’elle est bien remuée & ameublie, il est donc essentiel de la fouiller à une profondeur considérable, lorsque rien ne s’y oppose, afin de la diviser, de la retourner, pour que toutes les parties qui doivent contribuer à la végétation des plantes, reçoivent les influences de l’air. Le labour qu’exigent ces sortes de terres, seroit impossible à exécuter avec des charrues légères : outre qu’on ne pourroit point leur faire prendre assez d’entrure pour tracer des raies assez profondes, la ténacité du terrein, la cohésion de ses parties seroient des obstacles insurmontables pour des charrues légères, quand même l’attelage seroit assez fort : une charrue à versoir, ou tout autre de cette espèce, armée de bons coutres pour couper la terre verticalement, est le seul instrument de labourage qui puisse faire une bonne culture dans ces sortes de terreins. On a soin de proportionner l’attelage à la difficulté du labour, qui est relative à la résistance qu’éprouve le soc dans une terre plus ou moins tenace.

Enfin, pour exécuter toutes sortes de labours, & dans toutes sortes de terreins, il ne faut jamais perdre de vue ce principe, qui est que le laboureur doit connoître la qualité du terrein qu’il veut entreprendre de cultiver, afin de savoir l’espèce de culture qu’on peut lui donner, & avec quelle sorte de charrue il peut le labourer.

L’expérience du laboureur, relativement aux différentes sortes de terreins qu’il cultive, ne doit pas se borner simplement à connoître la qualité & le plus ou moins de profondeur de terre, afin de savoir l’espèce de charrue qu’il doit employer, & de quelle manière il doit la gouverner pour faire un labour convenable : il faut encore qu’il connoisse les terres qui boivent ou qui retiennent l’eau. Il y en a qui sont de vraies éponges ; l’eau est filtrée à travers leurs molécules, de façon qu’il n’en reste jamais à la surface : d’autres, au contraire, étant argileuses retiennent l’eau. Il ne suffit pas d’entourer de fossés ces sortes de terreins pour procurer l’écoulement des eaux, il faut encore que le réage & le labour soient faits de manière que l’eau trouve assez de pente pour s’écouler dans les fossés.

Pour procurer l’écoulement des eaux, dont le séjour est nuisible à la semence & aux plantes, il y a deux manières de labourer les terres, 1o. en planches ; 2o. en billons. Le labour à plat ne leur convient point, il n’est propre que pour les terres spongieuses, dans lesquelles l’eau ne séjourne point à la surface. Si une terre argileuse ou qui retient l’eau, a un peu de pente, on se dispense de la labourer en planches ou en billons, en conduisant le réage selon la pente, parce qu’alors toutes les raies sont autant de sillons par lesquels l’eau s’écoule dans les fossés qui entourent la pièce de terre. Quand il y a beaucoup d’inégalités,