Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/167

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Elles mûrissent au mois de Septembre, elles sont douces & de meilleur goût que nos châtaignes. Les Indiens qui en font grand usage, les ramassent pour leur provision pendant l’hiver. Le chinkapin est si robuste qu’il résiste, en Angleterre, aux plus grands hivers en pleine terre ; il craint, au contraire, les grandes chaleurs qui le font périr, surtout s’il se trouve dans un terrein fort sec ; il se plaît dans celui qui est médiocrement humide ; car si l’eau y séjournoit long-temps pendant l’hiver, cela pourroit le faire périr. Il n’est guère possible de le multiplier autrement que de 3 semences, qu’il faut mettre en terre aussi-tôt qu’elles sont arrivées ; & si l’hiver qui suivra est rigoureux, il sera à propos de couvrir la terre avec des feuilles, & pour empêcher la gelée d’y pénétrer au point de gâter les semences. On a essayé de le greffer en approche sur le châtaignier ordinaire ; mais il réussit rarement par ce moyen. »

VII. Le châtaignier d’Amérique à larges feuilles & à gros fruit. La découverte de cet arbre est due au Père Plumier, qui l’a trouvé dans les établissemens françois de l’Amérique. Cet arbre n’est pas commun en Angleterre. M. Miller dit n’en avoir vu encore que trois ou quatre jeunes plants, dont les progrès étoient médiocres. Il diffère du châtaignier ordinaire, parce qu’il a quatre châtaignes renfermées dans chaque bourse, & l’espèce commune n’en a que trois. L’enveloppe extérieure est très-grosse, & si épineuse, qu’elle est aussi incommode à manier que la peau d’un hérisson. Ses châtaignes sont très-douces, fort saines, mais pas si grosses que les nôtres. Il faut le semer comme le chinkapin.

VIII. Il me reste à parler du marronnier. Je ne le regarde point comme une espèce naturelle, mais comme une espèce jardinière, c’est-à-dire, produite accidentellement par la culture, & non pas par la greffe. La greffe, il est vrai, l’a perfectionnée. Le marronnier a donné plusieurs espèces particulières, & le roissilat du Limosin est très-différent du marron du Bresil, paroisse de Loire, près de Lyon, & tous deux ne ressemblent point à ceux du Vivarais, du Bas-Languedoc, de Provence, de Dauphiné. On peut dire, s’il est permis de s’exprimer ainsi, que ces fruits ont une physionomie qui leur est particulière, qu’il en est de leurs formes comme de celles du blé. Il faut une habitude journalière de comparaison pour saisir ces nuances, & ne pas se tromper. Je n’insisterai point sur les noms particuliers donnés dans les différens cantons, aux marrons & aux châtaignes. Cette nomenclature causeroit plus de méprises qu’elle ne seroit instructive. En effet, si je parlois à un Poitevin de la châtaigne ozillarde de Touraine, il se figureroit qu’il s’agit de la grosse châtaigne qu’il cultive sous ce nom, tandis qu’il seroit question d’une châtaigne sauvage, petite, quoique très-bonne à manger, &c. Les possesseurs des marronniers de la chaîne des montagnes de Languedoc, de Dauphiné, ne reconnoîtroient pas mieux les espèces de châtaignes, l’exhalade & la verte du Limosin, qui rapprochent si fort du marron.