Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/17

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Du rouissage à l’eau dormante. Plus la mare sera petite, proportion gardée avec la masse de chanvre qui doit y entrer, c’est-à-dire, moins elle contiendra un grand volume d’eau, & plus promptement le rouissage sera achevé, en observant toujours la masse de chaleur de la saison & la qualité du chanvre. Lorsque toutes les javelles sont rangées les unes sur les autres dans l’eau, il faut couvrir la masse avec de la paille & la charger de pierres pour que l’eau ne la soulève pas, & de manière que l’eau la recouvre de six à huit pouces. Si on a la facilité d’avoir une mare dans laquelle on conduise l’eau à volonté, il est plus expéditif de ranger les javelles à sec, & elles en seront mieux. Lorsque tout le chanvre sera disposé, alors on donnera l’eau.

On doit observer dans ce genre de rouissage, que les javelles de la partie supérieure sont plutôt rouies que les inférieures. L’eau la plus chaude est toujours celle qui approche le plus de la surface, parce que, plus légère que l’eau froide, elle la surnage. D’ailleurs, la chaleur du soleil agit plus directement sur les couches supérieures que sur les inférieures. Il en résulte donc que le rouissage des javelles supérieures est achevé lorsque celui des inférieures ne l’est pas. On devroit alors tirer le chanvre de l’eau à plusieurs reprises.

Du rouissage à l’eau courante. On ne craint pas ici le même inconvénient, si l’eau est abondante comme dans les grandes rivières, parce qu’elle se renouvelle sans cesse, & parce que l’intensité de la chaleur de cette eau est à peu près la même à une certaine profondeur qu’à sa surface. Dans les grandes rivières on a un danger à craindre qu’il est moralement impossible d’éviter lorsqu’elles grossissent ; tout le chanvre est entraîné. On a eu beau planter des piquets tout autour de la masse du chanvre, mettre des pièces de bois en travers & liées aux piquets, les charger de pierres, &c., le courant soulève la masse & entraîne les piquets & le chanvre. Que d’exemples on pourroit citer d’un pareil événement ! cependant lorsqu’on n’a pas d’autres moyens, on est forcé de l’employer ; mais un maître vigilant ne s’en rapporte pas à ses valets : il voit commencer & faire l’opération sous ses yeux ; elle est bien faite, & il faut un grand événement pour qu’il soit frustré de sa récolte.

On a le même inconvénient dans les ruisseaux qui tout à coup se changent en torrens affreux, cependant moins que dans les grandes rivières, parce que la masse du chanvre bien soutenue par des piquets & par de fortes ligatures, est plutôt ensévelie sous le sable qu’emportée. Lorsqu’un pareil malheur arrive, il faut se hâter d’enlever le sable & les terres dès que les eaux se sont retirées ; si on tarde trop long-temps, il pourrit.

On connoît que le chanvre est roui au point nécessaire, lorsque le brin mis à sécher & sec, & ensuite plié en arc, se rompt, & l’écorce ou filasse se détache d’elle-même.

II. Du séchage. Aussi-tôt qu’on a retiré le chanvre de l’eau, soit dormante, soit courante, il convient de l’exposer aussi-tôt au soleil pendant quelques jours, afin de le dessécher complétement ; à cet effet on délie les