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javelles & on les divise en petits paquets. Parvenu à ce point, on peut le porter dans les greniers ou dans les endroits exposés à un courant d’air, où il restera jusqu’au moment de le teiller ou de le sérancer.

Dans quelques-unes de nos provinces on fabrique des séchoirs sur lesquels on expose le chanvre lorsqu’on le sort de l’eau. On doit conclure de cette opération, que la récolte du chanvre a été tardive, comparée à celle des autres provinces, & que la chaleur du climat n’étant pas assez forte pour sa dessiccation à l’air libre, on est obligé d’avoir recours à l’art.

Les séchoirs varient pour leur structure, suivant les lieux & suivant la quantité de chanvre qui doit sécher. Les propriétaires attentifs à leurs intérêts, les font en maçonnerie ; ils élèvent des murs parallèles de dix à douze pieds de longueur, & l’intervalle entre deux est de cinq pieds. À quatre pieds au-dessus du foyer, on pratique d’espace en espace des trous pour y placer, chaque année, des perches de bois vert, sur lesquelles on place le chanvre qu’on a soin de retourner fréquemment, afin que tous les brins sèchent également. On choisit, pour placer un pareil séchoir, un endroit abrité des vents du nord : ceux qui sont moins économes les construisent chaque année avec des perches, & se servent de mauvaises planches pour les revêtir ; d’autres enfin font sécher le chanvre dans un four ; mais il est très-rare qu’il n’y brûle. Il n’est pas douteux que la première méthode de le sécher est la meilleure, & qu’on doit la préférer lorsque la circonstance le permet.


CHAPITRE IV.

Des préparations du Chanvre, lorsqu’il a été roui & séché.


Toutes les opérations que l’on vient de décrire, ont en général été faites par les hommes. Ici commence le travail des femmes & des enfans ; il s’agit de teiller ou de sérancer le chanvre. Par teiller on entend rompre les brins de chanvre, & séparer les chenevottes de l’écorce qu’on doit convertir en fil ; par teille, c’est l’écorce lorsqu’elle est détachée de la chenevotte. Le séran est un instrument de bois au moyen duquel on brise la chenevotte & on la sépare de son écorce. Nous ferons connoître cet instrument à l’article Lin ; il est nommé séran ou sérançoir. Il ne faut pas le confondre avec un autre instrument, armé de dents, dont se servent les peigneurs de chanvre ; c’est une opération particulière à cet art, & non à l’Agriculture, à moins que le propriétaire aime mieux vendre son chanvre peigné que de le vendre brut. Dans plusieurs de nos provinces on teille tout le chanvre. Si on y introduisoit l’usage du sérançoir, l’ouvrage seroit beaucoup plutôt expédié, mais on priveroit les femmes & les enfans d’un grand plaisir. En effet à quoi s’occuper dans les longues nuits d’hiver ! Toutes les filles & les enfans du village se rassemblent à la veillée, tantôt dans une maison, tantôt dans une autre, & se rangent circulairement autour de la cheminée, ayant chacune derrière elle un paquet de chanvre. Celle qui reçoit la compagnie fournit la première les chenevottes pour allumer le feu ; celle qui reçoit le lendemain l’entretient après elle, & successi-