Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/177

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pas ici dans le détail de cette opération, parce qu’elle sera décrite très-au long au mot Greffe. L’opération se fait en Mai de l’année suivante.

Tout le monde sait que le châtaignier porte son fruit à l’extrémité de ses branches ; que la partie des branches couvertes par celles des arbres voisins, n’en produit plus. D’après cette loi de la nature, on doit se régler, pour la conduite de cet arbre, soit qu’on le destine à donner des récoltes abondantes en châtaignes, soit qu’on se propose de l’élever comme arbre de charpente. Ceci exige quelques détails.

La beauté d’une châtaigneraie est d’être peuplée d’arbres, dont la disposition des branches forme une houppe régulière dans sa forme. L’arbre prend naturellement cette disposition sur les endroits élevés. L’art doit cependant venir au secours de la nature, s’il pousse des branches tortueuses ou mal placées. Le grand point, dans les premières années, est de faire prendre & conserver aux branches la direction de l’angle de quarante-cinq degrés. Elles ne la perdront que trop tôt, par la pesanteur & le nombre de leurs fruits, qui les abaissent successivement à l’angle de cinquante, soixante, &c. (Voyez ce que j’ai dit au mot Arbre, t. 1, p. 630, sur la cause de l’inclinaison des branches.) Ainsi, dans les endroits élevés, il n’est pas nécessaire d’élever beaucoup la tige des arbres, puisqu’un libre courant d’air & la lumière du soleil environnent de toutes parts la circonférence des branches. Il n’en est pas ainsi dans les endroits bas ; l’arbre ne se coiffe plus de la même manière que le premier, & au lieu d’y former la houpe, sa tête s’alonge en pyramide, parce qu’il est forcé d’aller chercher le courant d’air & le contact immédiat des rayons du soleil. C’est donc le cas de faire filer la tige, en l’élagant de ses branches latérales, jusqu’à ce que son sommet, parvenu à la hauteur requise, puisse étendre ses branches en liberté, respirer sans peine, & jouir amplement de l’influence du soleil.

Le châtaignier est sujet à produire beaucoup de branches gourmandes, qui affament les voisines.

Le mal provient de ce que les mères-branches s’écartent trop promptement de l’angle de quarante-cinq degrés. Dès-lors la force de végétation, l’abondance des sucs qui affluent aux branches inclinées, les contraint à produire des gourmands qui poussent sur une ligne perpendiculaire, ou presque perpendiculaire ; mais si à la fin de la saison vous tirez un rayon du sommet de ce gourmand vers le tronc de l’arbre, vous trouverez un angle de quarante-cinq degrés, à moins qu’il n’ait poussé immédiatement près du tronc. Cette loi est invariable, elle tient à la nature, & la naissance de ce gourmand démontre que la nature cherche toujours à reprendre ses droits, tant que la sève monte librement dans ses canaux. S’ils sont en grand nombre, & disposés régulièrement dans le pourtour des branches, n’hésitez pas à sacrifier la partie des branches au-delà des gourmands, vous renouvellerez l’arbre ; mais si, au contraire, vous sacrifiez les gourmands, il en poussera perpétuellement de nouveaux, jusqu’à ce que l’arbre soit épuisé.

Le châtaignier fournit encore beau-