Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’intérieur du fruit, y concentre l’humidité qui ne peut s’échapper à travers l’écorce ; & enfin, dispose le germe à se développer. Le temps est venu de vendre le fruit : on le sépare du hérisson, il est beau, bien renflé, un moindre nombre remplit le boisseau, & l’acheteur est trompé, parce que dès que le fruit est chez lui, le volume diminue ; & l’eau surabondante de végétation qui s’est échauffée, n’ayant pu s’évaporer auparavant, s’échappe enfin par la dessiccation, & le fruit est déjà moisi dans son intérieur. Ne vaudroit-il pas mieux, aussitôt après la cueillette, porter le hérisson sous des hangars exposés à un libre courant d’air, & faire le lit peu épais ? Le hérisson se dessécheroit plus vîte ; il est vrai que dans les fosses ou dans les monceaux exposés successivement à la rosée, à la pluie, au soleil, &c. &c. leur dessiccation suivroit une marche progressive & non interrompue, & le fruit perdroit peu à peu cette eau surabondante de végétation qui le fait moisir. En effet, combien ne voit-on pas de châtaignes germées avant d’être débarrassées de leur hérisson, lorsqu’on les sort de la fosse ou du monceau ? La germination a détruit la partie sucrée du fruit, & les rats, si friands de ce fruit, le dédaignent lorsqu’il a été dans cet état.

La méthode de rassembler la châtaigne avec le brou ou hérisson, a été imaginée par ceux qui se hâtent pour vendre leur récolte, & par conséquent ils ont été obligés d’abattre le fruit de l’arbre avant sa maturité ; il n’est donc pas surprenant que ce fruit ne se conserve pas dans la suite. La nature indique la maturité du fruit par sa chûte ; & presque toujours le hérisson en tombant sur terre, s’ouvre & le fruit en sort. Le propriétaire vigilant enverra au moins tous les deux jours & de grand matin faire la cueillette du fruit tombé, & ses gens presseront doucement avec le pied le hérisson qui ne sera pas ouvert, afin d’en faire sortir le fruit. Ce que j’ai dit plus haut s’applique également aux grands monceaux formés par la réunion des marrons ou des châtaignes : on dit alors qu’ils suent. Cette méthode est aussi destructive que les autres. En un mot, si on veut mettre le fruit dans le cas de se conserver pendant long-temps, sa dessiccation doit être lente, uniforme & soutenue ; enfin, on doit remuer de temps à autre les châtaignes à la pelle, afin que celles de dessous se dessèchent aussi également que celles de dessus. Si en enfonçant la main dans le monceau, on sent de la chaleur, c’est une preuve de la négligence du propriétaire, que la fermentation s’y est établie, & le signe plus certain du peu de durée de la châtaigne dans un état sain. Dans cet état les châtaignes conservent les noms de vertes ou de fraîches ; c’est-à-dire, qu’elles ont seulement perdu leur eau surabondante de végétation.

Afin d’empêcher une nouvelle fermentation, lorsqu’on les amoncèle après cette première dessiccation, on se sert de divers intermèdes. Par exemple, entre chaque lit peu épais, on place des feuilles sèches de bruyères, des tiges de fougère, de la petite paille ; ou bien l’on stratifie les marrons avec du son, du sable, de la cendre ; &, ce dernier est le meilleur si la dessiccation est à son point ; mais