Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/188

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de l’eau pour que le tan fût seulement ramolli : car l’action du déboiradour, & celle du grelou sur les châtaignes qui auroient éprouvé un commencement de cuisson, les réduiroit en petits grumeaux qui s’échapperoient par les trous du grelou ; ce qui produiroit, sur la totalité, un déchet fort considérable. »

« On procède ensuite à la cuisson des châtaignes ; pour cela on jette l’eau qui est dans le pot, & qui dans le peu de temps que les châtaignes y ont séjourné, s’est chargée d’une partie extractive, dont l’amertume est insupportable. On verse de l’eau froide sur les châtaignes blanchies ; on les lave pour emporter le reste du tan, & peut-être celui de l’eau amère qu’elles pourroient avoir conservé : enfin, on les remet dans le pot de fer qu’on a bien lavé, & où on a mis de l’eau dans la quelle on a fait fondre un peu de sel. Quelques personnes emploient l’eau chaude, d’autres se contentent de l’eau froide. On varie beaucoup pour la quantité d’eau, mais je pense qu’il vaut mieux employer l’eau chaude pour cette seconde opération, & en ménager la quantité. »

« Lorsque le pot a été rempli de châtaignes, avec toutes ces attentions, on le place sur le feu, & on le fait bouillir pendant quelques minutes : cela suffit pour donner aux châtaignes le degré de cuisson convenable, & achever d’extraire la partie amère dont elles sont imprégnées ; pour lors on verse l’eau par inclinaison, en retenant les châtaignes avec le couvercle du pot. Cette eau est fort colorée & très-amère ; cependant, comme elle est salée, certaines personnes la mettent à part par économie, & la conservent pour servir, avec une petite addition de sel, à l’opération du lendemain. »

« On achève la cuisson des châtaignes, en plaçant, sur un feu doux, le pot où il n’est resté que les châtaignes sans eau ; on facilite cet effet en garnissant le couvercle avec un gros linge qui concentre la chaleur ; on retourne le pot pour qu’il présente ses différens côtés à l’action du feu, afin que la chaleur se distribue également dans toute la masse des châtaignes. »

« Par ces attentions, les châtaignes perdent l’eau extractive & surabondante qui les pénétroit, & à mesure qu’elles s’essuient & se cuisent, elles acquièrent alors un goût, une saveur que n’ont point celles qui ont été cuites à l’eau avec toutes leurs peaux, & même celles qu’on a fait cuire sous la cendre. »

« On les retire du pot après un certain temps, & on a soin d’éviter qu’elles ne contractent un goût de brûlé, en s’attachant trop aux parois intérieures du pot. Celles qui touchent à ces parois, sont les plus recherchées par les friands, parce qu’elles sont plus rissolées & plus privées de leur eau extractive ; & par une raison contraire, celles qui sont au centre du pot sont moins bonnes, se grumèlent, parce qu’elles n’ont pas acquis une certaine consistance. On met les unes & les autres sur un petit panier plat ; on les couvre d’un linge plié en trois ou quatre doubles, & on laisse d’un côté une légère ouverture, pour qu’on puisse en prendre à mesure qu’on les mange. »

« Ce mets est destiné pour le déjeûné, & c’est un spectacle fort agréable de