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voir les ouvriers d’une métairie, rassemblés autour d’un panier couvert de linge ; le silence qui règne parmi eux, l’attention avec laquelle chacun tire les châtaignes de dessous le linge, en choisissant toujours les plus rondes, parce qu’ils les regardent comme les meilleures, forment un tableau amusant. »

« Cette préparation a deux avantages, outre celui de développer la saveur sucrée des châtaignes. Le premier consiste à présenter les châtaignes dégagées de leurs peaux, & dans un état où il est beaucoup plus aisé de les manger : le déjeûné dont on a parlé, servi en châtaignes cuites & recouvertes de leurs peaux, dureroit une heure & demie ou deux, au lieu qu’il est terminé en un quart-d’heure. En second lieu, si on mangeoit les châtaignes cuites avec leurs peaux, on auroit beaucoup de déchet ; car la partie de la châtaigne qui tient à la peau, seroit une perte. On conçoit à présent les raisons qui ont fait adopter généralement cette méthode, dans un pays où la consommation des châtaignes est si considérable. »

« Quoique l’eau dans laquelle on a préparé les châtaignes soit amère, cependant on la réserve avec le tan & quelques petits débris de la substance farineuse de la châtaigne, qui s’en détachent lors des opérations du déboiradour & du grelou, & on la donne aux cochons qu’on engraisse. Ils en sont friands, & l’on prétend que le lard des cochons auxquels on en donne régulièrement pendant quelques mois, acquiert un très-bon goût, sur-tout lorsqu’on ajoute une petite quantité de châtaignes. »

Plusieurs auteurs, après s’être copiés les uns & les autres, affirment d’un ton tranchant, que dans l’Auvergne, le Limosin, la Corse, on fait du pain de châtaignes. Nous avons décrit les différentes manières de les préparer dans ces provinces ; & M. Parmentier, sans cesse occupé de l’examen des substances qui peuvent servir de nourriture aux peuples, dit qu’il est de la dernière impossibilité de faire réellement du pain avec la farine de châtaigne ou de marron.


CHAPITRE IX.

Des propriétés alimenteuses & médicamenteuses de la Châtaigne & du Marron.


Dans le nombre des espèces, plusieurs sont destinées, par la nature, à être mangées vertes, & d’autres à subir la dessiccation. La bori, par exemple, la moins sucrée de toutes, en vert, est la meilleure étant séchée ; & les marrons ont bien plus de goût étant séchés au soleil.

On a conclu très-mal à propos, de ce que la châtaigne fait la nourriture d’une très-grande partie des habitans de nos montagnes, qu’ils faisoient du pain avec la farine seule, ou mêlée avec la farine des graminées. L’impossibilité est démontrée par les observations & les expériences de M. Parmentier. D’ailleurs si on parcourt les pays à châtaignes, on se convaincra qu’on n’en fait pas du pain. Il est constant que si la chose avoit été possible, elle auroit eu lieu, parce que la farine réduite en pain est la nourriture la plus saine, la plus économique, & la préparation qui se conserve le plus facilement.