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de retenir une portion plus considérable d’eau qu’auparavant, & que cette eau doit contribuer à une meilleure végétation. Je pense, au contraire, que, dans les provinces méridionales, où la chaleur est long-temps soutenue, & très-rarement modérée par les pluies, l’amendement supposé par la chaux est plus nuisible qu’avantageux, parce que la chaux ne pouvant se décomposer, & s’unir que très-imparfaitement au sable, agit alors d’une manière trop directe sur les racines des jeunes plantes, & qu’elle les vicie. L’efficacité de la chaux dépend donc de la localité & des circonstances. Si le pays, au contraire, est sujet à la pluie, le sel de la chaux devient un engrais pour la plante qui le trouve tenu en dissolution dans l’eau pompée par ses racines.

Il ne faut jamais perdre de vue que la manière d’agir d’une substance sur une autre, est purement mécanique, parce qu’aucune substance ne jouit d’une propriété exclusive, & encore moins d’une vertu occulte. Ainsi, outre le premier acte mécanique dont on vient de parler, il en existe un second : c’est celui de l’union des substances animales, huileuses, graisseuses, répandues entre les molécules terreuses, avec le sel alcali de la chaux, d’où résulte la substance savoneuse qui constitue la sève ; (Voyez le mot Amendement) d’ailleurs, la chaux attire l’humidité de l’air, & retient fortement la chaleur, d’où il résulte une fermentation plus vive dans les parties terreuses, salines & huileuses.

Il est constant que sur un terrein sablonneux, graveleux, &c. la végétation sera maigre, pauvre & languissante ; que les plantes y seront en petit nombre & rachitiques ; dès-lors elles nourriront peu d’insectes, d’animaux, &c. : par leur chétive décomposition, il s’y formera peu de substance graisseuse ; de manière que le principe salin dominera, & que la végétation y deviendra encore plus languissante, à moins que des pluies fréquentes ne modèrent l’activité des sels.

Il résulte du chaudage des terreins sablonneux, que si les circonstances sont favorables, on verra quelques récoltes passables (proportions gardées) se succéder ; mais ensuite l’alcali ne trouvant plus de substances animales à transmuer en savon, parce qu’elles ont été épuisées par la production des épis, le terrein se trouvera appauvri, & il faudra enfin le laisser en repos pendant un plus long espace de temps que celui de son état productif ; de-là est venu le proverbe, que les terres engraissées avec la chaux, ne peuvent enrichir que les vieillards. Pour peu que le climat soit sec & naturellement chaud, le chaudage des terres sablonneuses, graveleuses, &c. est pernicieux : ceux qui ne se trouvent pas dans le même cas, par exemple, que les Irlandois, les habitans de Normandie, près de Bayeux ; de Bretagne, près de Nantes, &c. doivent envier leur sort, & ne pas imiter leurs exemples.

Les mêmes auteurs, partisans du chaudage des terres sablonneuses, blâment beaucoup celui des terres compactes, fortes, argileuses, &c. ; mais si un habitant, par exemple, des environs de Saint-Étienne-en-Forez avoit écrit sur le même sujet, il auroit blâmé le premier usage,