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coquilières ; le ciment qui les unit est également calcaire, le marbre vient ensuite, & les autres pierres calcaires, suivant leurs différens degrés de pureté. On a vu au mot Calcaire, que les substances de cette classe font effervescence avec les acides. Lors donc qu’on voudra reconnoître si une pierre est propre à faire de la chaux, on en lavera un morceau dans l’eau ; on la laissera sécher, & l’on versera ensuite par-dessus cette pierre quelques gouttes de bon vinaigre, ou de l’eau-forte, ou tel autre acide qu’on aura sous la main. Si l’effervescence est vive, prompte, tumultueuse, on aura trouvé la qualité de pierre qu’on désire : plus cette pierre sera pesante, son grain fin & serré, meilleure elle sera pour faire de la chaux. Toutes les coquilles, soit de mer, soit d’eau douce, quoique dans leur état naturel, & non pétrifiées, font également de la chaux, mais non pas aussi bonne que celle fournie par les pierres dont on parle.

Tout propriétaire qui veut bâtir, ou qui se trouve forcé à de grandes réparations, doit faire construire un four à chaux sur son terrein, & le plus près possible de l’endroit où elle doit être consommée. L’économie est réelle, & la chaux en vaudra mieux, parce qu’il ne lésinera pas, à l’exemple des chaufourniers, sur le charbon de pierre, ou sur le bois, ou sur la tourbe nécessaire à une parfaite calcination. Par-tout où il pourra suppléer le plâtre par la chaux, quand même il seroit moins coûteux, qu’il préfère la chaux ; la maçonnerie sera plus solide & plus durable. (Voyez le mot Plâtre) En effet, dans toutes les démolitions des murs bien faits & très-anciens, construits à chaux, on voit, & on éprouve que la pince & le marteau deviennent insuffisans, & que la réunion de la chaux aux moellons est si intime, que par les efforts de la mine, ils cassent plutôt que de se séparer du mortier : la pince, au contraire, soulève, renverse, sans obstacle, la pierre noyée dans le plâtre le plus ancien.

Plus la chaux est cuite ou calcinée, plus elle exige d’être promptement éteinte parce qu’elle attire l’humidité de l’air, en raison de sa siccité : cette attraction de l’humidité est la meilleure preuve de sa bonne qualité.


Section II.

De la manière d’éteindre la Chaux.


Si on éteint la chaux avec une trop petite quantité d’eau, on la brûle, & la chaleur qu’elle contracte fait dissiper en trop grande partie l’air fixe qu’elle contenoit, peut-être celle de l’eau, ou du moins son air de combinaison qui devoit servir dans la suite à la cristallisation du mortier.

Si, au contraire, on éteint la chaux à trop grande eau, on la délave ; elle ne cristallise plus aussi parfaitement.

On ne connoît pas encore assez exactement quels sont les principes de la chaux ; cependant on peut dire que, lorsqu’on l’éteint, on lui rend la portion d’eau enlevée par la calcination, & que, réduite à l’état de mortier, elle se cristallise à mesure que l’eau surabondante se dissipe, & que l’air fixe s’unit plus intimément à ses molécules pendant la cristallisation.