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affamer la terre nouvellement remuée des arbres replantés, & peu à peu elles occuperont tout l’espace. On économise peu à mal faire, & on perd considérablement par la suite. Ou faites bien, ou ne faites rien.

Quand, & à quel âge faut-il transplanter les chênes ? Il vaut infiniment mieux planter plutôt que plus tard ; la reprise est plus assurée, les frais moins considérables, les soins plus faciles, & l’arbre profite beaucoup plus. L’année de transplantation est presqu’une année perdue. Un chêne de deux ans de pépinière est en état d’être transplanté ; un de trois est plus fort, & ses racines plus difficiles à ménager. Si on attend que le tronc ait huit à dix pieds de hauteur, c’est par la même raison attendre trop tard : voilà pourquoi les semis à demeure ont toujours un grand avantage sur les transplantations.

Il convient beaucoup plus de transplanter avant qu’après l’hiver : les pluies, les neiges de cette saison, pénètrent la terre, collent plus intimément ses molécules contre les racines ; l’humidité les tient fraîches, & elles n’ont plus besoin que de chaleur pour végéter. Tant que la chaleur de l’intérieur de la terre n’est pas dissipée par le froid, les racines travaillent, se disposent à ouvrir leurs suçoirs ; leur écorce s’attendrit, la pointe des chevelus se développe ; & si le froid survient, l’action végétative est simplement suspendue : au contraire, dans toute transplantation faite après l’hiver, on court le risque d’avoir un printemps sec, peut-être des chaleurs prématurées, de voir dissiper l’humidité de la terre de la fosse ou du trou ; & si une pluie secourable ne survient pas à temps, l’arbre périt.

Doit-on receper ou abattre les branches de l’arbre que l’on replante ? Les auteurs ne sont pas d’accord sur ce point : la solution du problême me paroît simple.

Il ne s’agit pas ici de l’arbre esclave, & qui sera à l’avenir soumis à la serpette de son maître ; c’est bien assez que sa naissance, & les premiers jours de son éducation aient été forcés, sans vouloir encore étendre un impérieux despotisme sur son existence, après qu’il a recouvré la liberté ; enfin, il ne s’agit pas ici d’un arbre dont le fruit fera les délices de nos tables, & le plus bel ornement de nos potagers ; tout recepage dérange la première organisation de la tige. À l’endroit recepé l’écorce recouvre successivement la plaie ; si l’amputation a été bien faite, & près du sommet, il se forme de nouveaux jets. Il faut détruire tous ces nouveaux jets, à l’exception d’un seul qui représentera la tige première ; ainsi, la suppression de cette tige première, & de ses nouveaux jets, sont des plaies faites à l’arbre, qui subsisteront toujours, quoique recouvertes par l’écorce. Les racines, il est vrai, se fortifieront par le recepage ; mais si on a planté l’arbre, ainsi que je l’ai dit, avec ses racines bien ménagées, ainsi que son pivot, ce recepage est plus qu’inutile, puisque la tête de l’arbre & les racines étoient en proportions exactes. Quant aux arbres à racines écourtées, le recepage est avantageux : en effet, il faut qu’il en pousse de nouvelles pour la nourriture du tronc avant celle des branches ; ce qui prouve évidemment