Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/225

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on a conservé l’écorce, ne se dessèche pas plus dans un an, que le fait en onze jours le bois écorcé ; enfin, ce dernier est moins sujet à la piqûre des vers, & le bois écorcé sur pied ne l’est jamais. Cette opération est avantageuse pour tous les bois en général, & plus particulièrement pour ceux qui ont végété dans un terrein bas & humide.

On diroit que la nature s’est plu à réunir dans cet arbre l’utile & l’agréable, & qu’elle a voulu dédommager l’homme de l’âcreté de son fruit, par les ressources qu’il lui offre. L’écorce des jeunes chênes fournit le tan, si utile aux préparations des cuirs ; les noix de galle, productions des insectes, & la base de nos teintures ; enfin, le kermès, insecte précieux, qui supplée à la cochenille. (Voyez ces mots)

Dans les temps désastreux, dans les temps de famine, les glands ont été la ressource unique des habitans de plusieurs de nos provinces : ils les mangeoient tels que la nature les produisoit ; mais ce gland lessivé avec de la cendre, & la lessive un peu aiguisée par la chaux, auroit perdu la plus grande partie de son amertume & de son acrimonie : je ne suis jamais parvenu à la faire disparoître complétement ; je ne doute pas que d’autres n’y réussissent ; ce que je puis assurer, est que ces glands n’avoient rien de trop rebutant au goût, après qu’ils eurent resté cinq jours dans la lessive, qui fut changée deux fois dans cet espace de temps, & après les avoir ensuite lavés à grande eau. Puisse le génie tutélaire de la France, ne réduire jamais ses habitans à de pareilles extrémités !

Tous les glands ne sont pas également amers & âcres ; ceux des arbres plantés en lieux secs & au midi, le sont beaucoup moins, & ce goût désagréable varie encore suivant les espèces & l’époque de leur récolte. Plus le fruit est cueilli sec, moins il est rebutant au goût.

Je crois qu’on pourroit multiplier, au moins dans nos provinces méridionales, le chêne no. 8 ; peut-être que de proche en proche, par les semis, on parviendroit à le naturaliser dans les provinces plus septentrionales. Le mûrier, originaire de Chine, n’est-il pas aujourd’hui naturalisé en Prusse, quoiqu’originaire de Chine ! On objectera la différence du produit. Aux yeux d’un gouvernement sage & qui encourage, la conservation de l’homme l’emporte sur la fabrique d’un habit de luxe : planter ou semer des chênes, il vaut autant semer ceux qui sont le plus utiles ; au moins dans les cas extrêmes on peut y avoir recours.

Personne n’ignore que le gland est la principale nourriture des pourceaux, des dindes ; &c. & que ces objets forment des branches de commerce assez considérables dans plusieurs de nos provinces, dont le prix suit la plus ou moins forte abondance du gland. On a dit, en décrivant la fleur du chêne, que la fleur mâle étoit séparée de la fleur femelle, mais sur le même pied ; cette fleur mâle est un long chaton chargé d’étamines ou poussière séminale lancée avec force, lorsque s’ouvrent les capsules qui la renferment avant leur épanouissement. Si d’une manière ou d’autre cette poussière est pas portée sur la fleur