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Les papillons qui proviennent de ces espèces de chenilles, sont des phalènes sans trompe, à antennes barbues. Leurs ailes, en forme de toit, sont d’une couleur grise, noire, disposée par ondes & par taches. Le mâle & la femelle n’ont point entre eux une différence qui soit bien remarquable.


Article V.

Chenille du pin.


La chenille du pin ne doit point être rangée dans la classe de celles dont nous avons à nous plaindre. Les dégâts qu’elle fait ne peuvent ni exciter, ni mériter notre vengeance : peu nous importe qu’elle ronge les feuilles étroites & pointues du pin, qui est le seul arbre qu’elle attaque. Loin de nous nuire, elle construit des cocons avec la soie qu’elle file, qui pourroient être d’une grande utilité, si on prenoit les soins nécessaires pour les préparer & les mettre en état d’être cardés. Cette chenille, très-commune dans les endroits incultes, où croissent les pins, est de grandeur médiocre ; c’est-à-dire, de douze à quinze lignes, & de la classe de celles qui ont seize jambes. Sa peau, noire en dessus, est très-velue ; en dessous elle est de couleur de feuilles mortes : sa tête est ronde & noire. Ces chenilles vivent en société dans un nid que toute la famille a contribué à construire, par son industrie & ses talens : elles s’y retirent pendant la nuit ; dès qu’il fait jour, elles en sortent pour se répandre sur l’arbre où elles vont ronger les feuilles pour vivre. Leur marche, quand elles sortent & rentrent dans leur nid, est dans le même ordre que celle des processionnaires. Quand cette espèce de chenille touche au moment de sa métamorphose, elle se retire dans la terre pour la subir. Le papillon qui sort de sa chrysalide, n’a pas des couleurs propres à le faire remarquer ; ses ailes sont d’un gris-blanc cendré, avec des raies brunes transversales ; le dessous est tout gris. La femelle de ce papillon fait sa ponte en juin ou juillet, de sorte que les chenilles sont écloses au mois d’août ; elles ont par conséquent le temps de croître assez pour passer, sans danger, l’hiver dans leur nid.

La chenille du pin file en commun des cocons de la grosseur des melons ordinaires, qui lui servent de nid. La soie, qui en forme le tissu, exigeroit peut-être peu de soins pour pouvoir être mise en œuvre. Quelques expériences faites par divers naturalises, semblent indiquer qu’on pourroit en tirer une bonne soie. M. Valmont de Bomare rapporte, dans son Dictionnaire d’Histoire Naturelle, qu’on fit, il y a quelques années, de très-bons bas avec cette soie, arrangée seulement à la main, & filée sans autre préparation. M. Raoul, conseiller au parlement de Bordeaux, ne fut point aussi heureux dans l’essai qu’il fit pour envoyer à M. de Réaumur, parce qu’il avoit mis cette soie dans de l’eau bouillante de savon. Les premières expériences n’indiquent pas toujours les procédés qu’il faut suivre : ce n’est qu’à force de les répéter qu’on peut espérer quelque succès, & qu’on peut apprendre le procédé convenable qui échappe souvent, parce qu’il est très-simple.