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guerre, & la poursuivre la lanterne à la main pendant la nuit. Cet insecte est si vorace, qu’il mange, pendant une nuit, deux fois plus pesant qu’elle de feuilles de choux. On conçoit que pendant plusieurs nuits d’un si grand appétit, lorsque cette espèce est bien multipliée, elle doit faire une consommation étonnante, & dévaster entièrement un jardin.


ARTICLE VIII.

Chenille des Grains.


La chenille des grains, quoique très-petite, est cependant l’ennemi le plus redoutable & le plus dangereux pour nos moissons. Ses œufs déposés dans les épis ou sur les grains, donnent naissance à un très-petit insecte, qui perce un grain de blé pour s’y loger, & y vivre aux dépens de la substance farineuse du grain, qui est son aliment. C’est-là qu’il habite pendant tout le cours de sa vie, qu’il se transforme en chrysalide, d’où sort un papillon qui se répand dans la campagne, pour faire sa ponte sur les épis de blé. Cette petite chenille est blanche & absolument rase, sa tête est un peu brune ; elle est dans la classe de celles qui ont seize jambes. Elle se loge dans un grain de blé, qui contient la juste mesure des alimens qui lui sont nécessaires pour prendre son accroissement, jusqu’au moment de sa métamorphose. Quand ce temps est arrivé, toute la substance du grain est consommée ; l’insecte file alors une coque de soie blanche, qui est soutenue par l’écorce même du grain, dont il a mangé la substance farineuse : c’est dans cette coque qu’il passe de l’état de chenille à celui de chrysalide ; il ne sort du grain que sous la forme du papillon, par un petit trou percé sur un des côtés. Ce petit papillon est de la seconde classe des phalènes : les antennes & sa trompe sont à filets grainés ; ses ailes sont étroites, relativement à leur longueur ; en dessus, leur couleur est un canelle très-clair & luisant ; en dessous elles sont grises, de même que le dessus & le dessous des ailes inférieures. À peine ces papillons sont sortis de leur fourreau de chrysalide, qu’ils s’accouplent : les femelles se répandent ensuite dans la campagne, ou sur les tas de blé d’où elles sont sorties, pour y déposer leurs œufs.

Les œufs pondus par les femelles sont enduits d’une liqueur visqueuse, qui les rend adhérens aux corps sur lesquels elle les place. Huit jours environ après qu’ils ont été pondus, il en sort une chenille qu’on ne peut appercevoir sans le secours de la loupe ; elle se glisse dans la rainure qui sépare les deux lobes du grain : par le moyen de ses dents, elle déchire l’enveloppe du grain qui retombe sur le trou qu’elle s’est pratiqué pour y pénétrer, de sorte qu’on ne se douteroit pas qu’il soit percé. Une chenille n’attaque jamais plusieurs grains, un seul suffit pour la nourrir tant qu’elle vivra dans l’état de chenille. La vie de ces insectes est d’une courte durée ; mais aussi on en voit plusieurs générations dans la même année : dans vingt-neuf à trente jours, une génération est accomplie.

Dans l’article qui aura pour objet la conservation des grains, on trouvera les moyens qu’on emploie pour détruire ces insectes si dangereux pour les blés : il suffit de dire maintenant