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Section III.

De la Monte & de ses espèces.


La monte est l’opération de l’étalon, par laquelle il saute sur la jument. C’est de cette opération que dépendent la réussite & les progrès du haras. Mais, quoique l’étalon s’acquitte de toutes ses fonctions avec ardeur, la jument ne sera jamais fécondée, si elle n’est point en chaleur. Cet état s’annonce par la tuméfaction des parties naturelles, & par une humeur épaisse & blanchâtre, qui coule de ces mêmes parties. La jument entre en chaleur ordinairement au printemps, depuis le mois de mai jusqu’au mois de juin, quelquefois plutôt. La chaleur disparoît aussitôt qu’elle a été fécondée ; mais si la conception n’a pas lieu, la chaleur revient ; elle est si nécessaire à l’œuvre de la génération, que les jumens qui en sont exemptes, refusent absolument les approches de l’étalon.

Il y a deux espèces de monte : la monte en main, & la monte en liberté. Dans la première, on présente la jument qui est en chaleur, à l’étalon, lequel est dirigé & conduit par deux serviteurs, tenant deux longes attachées aux anneaux du cavesson, qui servent à le retenir ou à le laisser approcher, suivant qu’il est préparé. Lorsqu’il est en état, on lui permet de sauter sur la jument, qui doit être enchevêtrée & soutenue à la tête. Dans la monte en liberté, on abandonne l’étalon dans le parc qui renferme les jumens : alors il va de l’une à l’autre, les flaire, & saute enfin celle qui est le plus disposée à le recevoir, ou qui lui fait le plus de plaisir. Si l’étalon monte plusieurs fois sur la jument, il faut parer à cet inconvénient en lui mettant des lunettes. Il s’use beaucoup par des jouissances réitérées : le vrai moyen de prévenir cet accident est d’avoir plusieurs étalons : aussitôt que ce premier a sauté une jument, on le retire du parc avec cette jument, en lui substituant un autre étalon que l’on retire de même avec sa jument, ainsi de suite jusqu’à ce que tous les étalons aient servi, ou que toutes les jumens aient été sautées. Par ce moyen, les étalons ont le temps de reposer, sans que le service du haras en souffre. La monte dure deux à trois mois ; pendant tout ce temps, les étalons doivent être nourris abondamment, être pansés de la main ; ils n’en ont que plus d’ardeur. On ne doit pas surtout oublier de déferrer les jumens. Il en est quelquefois qui sont si chatouilleuses, qu’elles ruent ou se défendent aux premières approches.


Section IV.

Des signes qui font connaître que la Jument a été fécondée.


Les signes qui font reconnoître qu’une jument a été fécondée, sont très-incertains, & fort douteux dans les premiers mois de la conception. Le moins équivoque est la cessation de la chaleur, & lorsque la jument refuse l’étalon, en s’en défendant vigoureusement, & en ne souffrant pas même son voisinage. Il faut encore ajouter à ces signes, un embonpoint qui n’est pas ordinaire, plus de pesanteur après le sixième mois ; les secousses ou battemens du poulain que l’on éprouve alors en portant