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jours après l’usage de cette nourriture, le cheval évacue copieusement par le fondement : insensiblement cette évacuation cesse, & n’a plus lieu ; il engraisse, le poil devient plus vif, le flux d’urine est abondant ; ce qui est une preuve certaine du mérite & de l’efficacité de cet aliment.

À l’égard des herbages ordinaires, dans lesquels les habitans de la campagne jettent leurs chevaux de labour ou de bât, ils ne sont nullement convenables à ceux en qui la lymphe est épaisse, dont l’habitude du corps est spongieuse. En général, les herbages rendent les liqueurs tenaces & visqueuses ; ils relâchent les fibres, & les affoiblissent. Les chevaux soumis à cette nourriture, engraissent, à la vérité ; mais ils sont mols & paresseux, & sont disposés à beaucoup de maladies. Les herbages, selon nous, ne conviennent qu’aux chevaux & aux bœufs sujets à des embarras dans les reins, à des ardeurs d’urine, & à certaines tranchées qui suivent ces maladies, parce que l’herbe a, dès les premiers momens de sa croissance, un caractère savonneux, qui la rend très-salutaire. C’est pour cette raison que les bœufs nourris dans l’étable, & que l’on tue dans l’hiver, ont souvent des pierres dans le foie, dans la vésicule du fiel, dans la vessie & dans le canal de l’urètre, tandis qu’il est rare d’en trouver dans ceux qui ont été d’abord jeté dans les prairies.


Section X.

Des considérations qu’il faut avoir dans la distribution des alimens.


L’unique but qu’on doive se proposer en nourissant un cheval, est de le maintenir en chair, & de le rendre capable de satisfaire au travail auquel il est destiné : il ne doit donc être ni trop gras, ni trop maigre. Les chevaux voraces sont toujours maigres, parce qu’ils mâchent peu ; aussi l’estomac & les intestins, dans ces sortes de chevaux, sont toujours farcis de crudités qui s’annoncent par des borborygmes ou vents, (Voyez le mot Vent) ou par des gonflemens, ou par des déjections fréquentes, ou fétides & semées de fourrages, & sur-tout de grains mal digérés, ou par des maladies plus ou moins sérieuses, & plus ou moins funestes.

L’âge, le tempérament, les saisons & la taille sont autant d’objets essentiels à considérer pour la fixation du régime.

1o . L’âge : on ne nourrira point les poulains comme des chevaux faits, parce qu’on n’exige d’eux aucun travail, & qu’ils ne sont point exposés à toutes les rigueurs du temps. Les alimens qui succèdent au lait bien conditionné, dont s’est nourri le poulain, sont des alimens tempérés & substantiels, tels que le bon foin, un peu d’avoine, la farine d’orge. Le cheval formé, & parvenu à son accroissement, doit être différemment nourri qu’un cheval vieux ou avancé en âge, soit par rapport au travail auquel il est assujetti, soit par rapport à la force de son estomac.

2o . Le tempérament : le cheval sanguin doit être nourri modérément ; le colérique, dont les fibres tenues ont une grande rigidité, & en qui la marche du sang est impétueuse, ne doit point être soumis à une