Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/302

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le poil long sur tout le corps ; le noir est la couleur dominante. En général, ce n’est pas par la beauté que cette espèce de chien est recommandable ; mais ce léger défaut est bien racheté par ses talens & son industrie. Dans les pays de bois & de montagnes, où les loups sont communs, & font des ravages, on ne doit pas confier le soin du troupeau à un simple guide ; il faut lui donner des défenseurs. Choisissez donc à la place du chien de Brie, ou plutôt, unissez-lui un chien de forte race, vif, hardi, & capable d’attaquer & de terrasser le loup. Vous trouverez ces précieuses qualités dans les mâtins de grosse taille, dont le poil est fourni & épais, les yeux & les narines noirs, les lèvres d’un rouge obscur ; la tête forte, les oreilles pendantes, les dents aiguës, le front & le col gros ; les jambes grandes, les doigts écartés, les ongles durs & courts ; en un mot, tout le corps bien formé. Rarement ces chiens qui réunissent toutes ces qualités extérieures, sont-ils paresseux & lâches, sur-tout si vous les empêchez de chasser, que vous les nourrissiez toujours avec le troupeau aux champs & à la maison. Du gros pain doit être leur nourriture. Il faut de bonne heure les former au combat, les exciter quelquefois à se battre ; mais sans permettre que le plus foible soit tout-à-fait vaincu, de peur qu’il ne se rebute & se décourage. Que son col soit toujours armé d’un collier de cuir garni de pointes de clous. Sur-tout si vous prenez un loup, que ce soient vos chiens de troupeau qui les étranglent & les déchirent ; caressez-les ensuite, encouragez-les, c’est un moyen sûr pour qu’ils ne le craignent pas dans les champs, qu’ils le poursuivent & l’attaquent jusque dans sa retraite.

Le chien de basse-cour a un soin plus noble & plus relevé, celui de défendre son maître & de protéger ses possessions ; il semble croire que tout ce qu’il garde est à lui. Il le veille comme son propre bien : lorsque tout le monde se repose sur sa vigilance, lui seul ne se repose sur personne ; l’oreille perpétuellement au guet, le moindre bruit l’inquiète, les soupçons naissent. Apperçoit-il, sent-il seulement des étrangers passant auprès de sa maison ? il les découvre & les annonce par ses aboiemens ; veulent-ils forcer le passage ? il s’élance contr’eux avec fureur, & les combat avec intrépidité, tandis que ses cris sèment l’alarme & avertissent du danger : ni le nombre ni la force ne l’épouvantent, il périra plutôt que de trahir son maître, & se croira trop heureux de mourir en défendant ses intérêts.

Les chiens que vous destinez à la garde de la maison, doivent être forts & vigoureux ; la tête alongée, le front aplati, le corps renversé ; les jambes nerveuses, la gueule grande & fendue, le col court & gros ; les yeux noirs & étincelans, les épaules larges, la voix haute & épouvantante : ajoutez qu’il soit de bonne guette, le sommeil léger, le caractère posé & non vagabond ; enfin médiocrement cruel : le courage tient souvent à cette dernière qualité.

On peut le nourrir avec du pain d’avoine ou de gros seigle, & en général, avec tout ce qui sort de la cuisine. Sa loge doit être placée à côté ou en face de la porte par où