Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelquefois à la générosité, souvent à la pitié que la vue de sa misère inspire, & presque toujours à l’importunité que la nécessité cruelle fait mettre dans ses demandes, partage encore son insuffisante nourriture avec son chien ; il vit avec lui, ils existent ensemble ; son chien le conduit, le flatte & le console, & ses caresses allègent son infortune. Qui m’aimera dans le monde, si vous m’ôtez mon chien ! s’écrioit un pauvre abandonné de tout l’univers, qui partageoit avec lui le morceau de pain qu’on lui donnoit, & duquel on exigeoit le sacrifice de son compagnon de peines & de souffrances. Se pliant à tous les caractères, docile à toutes les impressions, il se conforme à toutes les habitudes de son maître ; ses travaux & ses plaisirs sont les siens, & il les partage autant qu’il est en lui.

Mais l’homme veut-il bien lui céder une partie de son empire sur les animaux ? dès cet instant, ennobli, pour ainsi dire, par cette confiance, il commande, il règne par sa vigilance & son exactitude ; son maître dort tranquillement, & se repose sur lui du soin de son troupeau : le chien veille, & comme le dit M. de Buffon, avec tant d’énergie & de vérité, « la sureté, l’ordre & la discipline sont les fruits de sa vigilance & de son activité ; c’est un peuple qui lui est soumis, qu’il protège, & contre lequel il n’emploie jamais la force que pour y maintenir la paix ».

Nous ne nous arrêterons pas ici à faire l’histoire naturelle du chien, sa description anatomique, la généalogie de ses différentes espèces & variétés : on peut consulter l’ouvrage de M. de Buffon, sur les animaux, tome V ; on ne peut rien désirer sur ces divers articles après l’avoir lu. Mais il est deux espèces de chiens, dont nous devons parler, le chien de berger, le chien de basse-cour. Tous les deux habitent la campagne avec l’homme ; tous les deux y partagent son empire. Il est donc essentiel que nous tracions ici le tableau des qualités qu’ils doivent avoir pour que l’on puisse compter sur leur service. Nous y aurions joint celui du chien de chasse, si notre plan n’étoit de ne pas nous occuper de cet amusement champêtre.

Le chien de berger, ainsi nommé parce qu’il sert à la garde des troupeaux, est, de toutes les espèces de chiens, le plus commode à l’homme ; il évite les soins continus & fatigans de la vigilance, les cris, les allées, les venues que seroit obligé de faire un berger en conduisant ses troupeaux. Instruit par ses leçons, & docile à sa voix, c’est un nouveau maître qui, fier de la portion d’empire qu’on lui donne, mérite de plus en plus la confiance, par ses soins toujours renaissans. Il rassemble le troupeau, le ramène près de son conducteur, défend les blés, les vignes, que les moutons auroient bientôt dévastés, s’il leur étoit permis de vaguer çà & là. Dans les pays de plaine, & découverts, où l’on n’a rien à craindre des loups, le chien de berger, plus connu sous le nom de chien de Brie, est plutôt le conducteur, que le défenseur du troupeau ; aussi cette race est-elle plus petite que celle des mâtins. Ces chiens ont les oreilles courtes & droites, & la queue dirigée horizontalement en arrière, ou recourbée en haut, & quelquefois pendante ;