Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette déperdition ; mais si cet air se débande jusqu’à un certain point, le bouchon part avec éclat ; & s’il resiste plus que les parois de la bouteille, le verre cède à la violence de cet air fixe. On est presqu’entièrement revenu des vins mousseux de Champagne : cette fureur n’a eu qu’un temps ; il en sera peut-être ainsi des cidres pétillans. Si on a de bonnes caves, (voyez ce mot) ne vaudroit-il pas mieux mettre en bouteilles dans les jours froids de février, ou bien attendre que la fougue de la fermentation du printemps soit cessée ? On seroit sûr alors d’avoir un cidre bien sain, & on ne craindroit plus la perte du verre. Les mêmes accidens arrivent en Champagne aux vins mousseux.

IV. Des petits cidres. Je préviens que je suis toujours l’ouvrage imprimé de M. le Marquis de Chambray ; il seroit odieux de m’approprier le travail d’un si zélé citoyen.

« Si on buvoit le cidre pur à son ordinaire, ce seroit comme si on ne mettoit jamais d’eau dans son vin. Il n’est point de boisson plus légère & plus rafraîchissante que le petit cidre : il n’a aucun des inconvéniens des gros cidres, qui souvent gonflent, & nourrissent trop ; mais il faut que le petit cidre soit bien fait. Pour y parvenir, voici comment on doit procéder. »

« Le gros cidre étant tiré du marc ; des pommes pilées, on exhausse l’arbre du pressoir, &c. On relève le marc des pommes par couches, qui sont marquées par les lits de paille dont on a parlé. On met le marc dans une futaille défoncée par un bout, sur un des coins de la maye du pressoir, & dans les auges à piler. Si on a besoin de pépins pour semer, c’est dans ce moment qu’on les met à part. On jette de l’eau sur le marc qui est dans les auges ; & quand il est imbibé, on attèle le cheval à la meule, pour le piler de nouveau. Lorsqu’il est suffisamment repilé, on le porte à pelletées sur la maye du pressoir ; &, de ce repilage on forme une nouvelle motte, comme on a fait pour le gros cidre ; ainsi de suite, comme pour le cidre moyen, si on ne veut pas faire cuver le petit cidre ; ce qui cependant le rendroit meilleur, & le débarrasseroit de la plus grande partie de sa lie. Pour savoir la quantité d’eau qu’il faut mettre sur le marc, la règle est d’y en mettre autant qu’on en a tiré de gros cidre : c’est-là la boisson des domestiques. Si on veut qu’elle serve aux maîtres, & qu’elle soit d’une qualité plus forte, on jette dans le repilage quelques pelletées de pommes. »

« Il y a une autre façon de faire du cidre mitoyen pour les maîtres, & c’est la plus convenable. Elle consiste à jeter deux, trois, quatre seaux d’eau dans chaque pilée de pommes, lorsqu’elles sont bien écrasées, & à faire ensuite tourner la meule, pour que le tout s’incorpore. Plus le tour du pressoir est grand, plus il contient de boisseaux de pommes ; ainsi on peut déterminer sur cette grandeur combien on mettra de seaux d’eau à la pilée, & le propriétaire en jugera facilement. Il y a des crûs qui ont moins de qualité, & le jus des pommes est moins spiritueux ; dans ce cas-là, il faudra moins d’eau. Le cidre moyen se façonne comme le gros