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jambe de la troisième paire, une petite boule de la grosseur quelquefois d’un grain de poivre, on juge que toute l’action dont on a été témoin, tendoit à y placer successivement par petits morceaux la petite boule qu’on y apperçoit.

Lorsque les anthères ou capsules qui renferment la poussière des étamines ne sont pas ouverts, l’abeille qui fait qu’elles contiennent la poussière dont elle veut se charger, y porte aussitôt les dents, qui, étant en forme de pinces, sont très-propres à déchirer ces capsules : étant parvenue à les ouvrir, elle saisit avec ses dents les petits globules de poussière qui en sortent, & aussitôt une des jambes de la première paire s’approche pour s’en saisir & les passer à la jambe de la seconde paire, qui l’empile dans la palette triangulaire des jambes postérieures. Cette opération extrêmement précipitée est faite tour à tour par les jambes de chaque côté ; en sorte qu’une jambe de la première paire ne s’est pas plutôt retirée, après avoir saisi au bout des dents les petits globules de poussière, que celle de l’autre côté s’avance tout de suite pour faire la même chose, & ainsi successivement l’une après l’autre.

Si les fleurs sont bien épanouies, & que le sommet des étamines soit ouvert, une abeille a bientôt fait sa charge, & placé la petite pelote dans la palette triangulaire : c’est alors les brosses des jambes de la dernière paire qui font le plus d’ouvrage ; elles se donnent réciproquement les grains de poussière qu’elles ont ramassés, & en passant dessous le ventre, elles conduisent la brosse qui est chargée de poussière au bord de la palette de l’autre jambe, qui par ses frottemens s’en décharge, les rassemble dans la palette triangulaire, & les y fixe en les frappant. Après que la charge est faite, on part tout de suite pour aller la déposer au lieu de sa destination.

À toutes les heures du jour, les abeilles retournent des champs plus ou moins chargées de cette matière à cire : le matin est le moment le plus favorable à cette récolte, parce que cette matière, encore imprégnée de la rosée ou de la liqueur qui transpire des étamines, rend leur travail plus court & plus aisé ; elles façonnent & arrangent ces petits grains pour les emporter avec plus de facilité que quand ils sont desséchés par l’ardeur du soleil : l’humidité dont ils sont pénétrés aide à leur réunion pour en former une masse : aussi on remarque que les abeilles qui rentrent vers le milieu de la journée, sont bien moins fournies, & leurs pelotes sont plus petites que si elles avoient fait leurs voyages le matin.

L’abeille de retour de la campagne, & qui rentre dans l’habitation avec une bonne charge de matière à cire, bat des ailes en marchant sur les gâteaux, pour inviter ses compagnes à venir la soulager du poids de son fardeau : trois ou quatre se rendent aussitôt à son invitation, s’approchent & s’arrangent autour d’elle pour l’en débarrasser ; chacune prend avec ses dents une petite portion de la pelote, la broie, la mâche, & après l’avoir avalée, en reprend une autre portion, jusqu’à ce que la pourvoyeuse soit entièrement déchargée. Si elle est seule à se débarrasser de son fardeau, l’opération est bien plus longue : on la voit se contourner pour prendre avec ses dents une partie de