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Section II.

Sur quelles espèces de plantes les abeilles ramassent-elles la matière à Cire, & comment font-elles cette récolte ?


Les abeilles qui connoissent parfaitement la matière qu’elles doivent employer, vont ramasser sur toutes sortes de fleurs la poussière de leurs étamines. Aristote assure que l’abeille, en faisant sa récolte, ne change point d’espèce de fleur, & que si elle a commencé à faire sa charge de la poussière des étamines du lys, elle n’ira pas à la tulipe pour finir la boule de cire brute qu’elle veut emporter.

M. de Réaumur a remarqué, au contraire, qu’elle va indifféremment d’une espèce à l’autre ; il est certain cependant que les deux petites pelotes qu’elle porte à ses jambes sont toujours de la même couleur, & qu’on n’en voit pas une être jaune, & l’autre brune : peut-être qu’en changeant d’espèce de fleur, elle ne va qu’à celles dont la couleur de la poussière des étamines est la même que celle dont elle est déjà chargée. Il semble que M. Maraldi ait pensé que l’abeille trouvoit la cire brute où il ne peut y en avoir, lorsqu’il dit : « qu’elle recueille la cire sur les feuilles d’un grand nombre d’arbres & de plantes, & sur la plupart des fleurs qui ont des étamines. »

Les abeilles ne recueillent la matière à cire que sur les fleurs qui ont des étamines qui fournissent cette poussière qu’elles vont chercher, & non pas sur les feuilles des arbres & des plantes où elles n’existent point, mais une matière sucrée & gluante. (Voyez le mot Miellée)

Lorsqu’une abeille, dont le corps est couvert d’un poil épais & touffu, entre dans le calice d’une fleur dont les étamines sont bien chargées de cette poussière, elle cherche à frotter avec les diverses parties de son corps le sommet des étamines, & la poussière dont il est couvert, ses poils très-pressés les uns contre les autres, retiennent cette poussière, & en peu de temps elle en sort toute poudrée : quelquefois on voit arriver à la ruche des abeilles tellement couvertes, qu’elles paroissent jaunes, brunes, rouges, selon la couleur de la poussière qu’elles apportent ; cependant il est plus ordinaire qu’elles la ramassent pour en faire deux petites pelotes qu’elles appliquent dans la cavité triangulaire qui est à chaque jambe de la troisième paire. Leurs quatre jambes postérieures étant fournies d’une brosse plate, les deux premières étant aussi couvertes de poils entre la quatrième & cinquième articulation, on conçoit qu’il leur est facile d’ôter de dessus toutes les parties de leur corps la poussière dont il est couvert ; pour cet effet, elles passent leurs brosses sur les diverses parties de leurs corps où la poussière est arrêtée : à mesure que la brosse travaille, la jambe de la première paire passe à celle de la seconde les petits grains qu’elle a ramassés ; & celle-ci les place sur la palette triangulaire de la troisième paire, où elle les aplatit en donnant par-dessus quelques petits coups très-précipités. La grande activité que met l’abeille dans tous ses mouvemens, ne permet pas d’observer, comme on le désireroit, toute la suite de cette opération extrêmement curieuse : en voyant sur la palette triangulaire de chaque