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cuite à la première fonte ; aussi faut-il toujours se défier de toute cire qui n’est pas jaune. Quand elle est en pain & qu’elle paroît assez blanche, c’est souvent parce qu’on a usé de supercherie pour lui donner cette couleur, en y mêlant quelques pincées de poudre à poudrer, lorsqu’elle est fondue.


Section VII.

Des moyens industrieux qu’on a mis en usage pour augmenter le produit de la Cire.


Dès qu’on a reconnu l’utilité de la cire, on s’est occupé d’en augmenter le produit ; on a imaginé pour cet effet de faire Voyager les abeilles, & ; de les conduire d’un pays dans un autre 1, pour les mettre à portée d’en moissonner les richesses. Les égyptiens font les premiers qui aient imaginé ces voyages ; le peuple qui habite aujourd’hui les riches contrées de l’Égypte, fuit encore l’exemple de ses ancêtres. Dans la haute Égypte les productions de la terre sont plus précoces de six semaines que dans la basse : afin que les abeilles en profitent, vers la fin d’octobre, les habitans de la basse Égypte qui ont des ruches, les mettent dans des bateaux, & leur font remonter le Nil : chaque ruche sur laquelle est écrit le nom du propriétaire, est numérotée & inscrite sur un registre au moment de rembarquement ; elles arrivent dans la haute Égypte dès que le Nil est retiré, & au moment que les campagnes déjà fleuries offrent à ces ouvrières d’abondantes moissons. Toutes les ruches restent sur les bateaux où elles sont arrangées les unes sur les autres en forme de pyramide ; lorsqu’on juge que les abeilles ont recueilli aux environs toute la matière à cire, les bateaux dépendent le fleuve, & s’arrêtent trois ou quatre lieues plus bas que l’endroit dépouillé par les abeilles. Après le séjour nécessaire pour ramasser la récolte que leur offre le nouveau canton, les bateaux descendent encore la rivière, en s’arrêtant toujours dans les endroits où les abeilles peuvent ramasser des provisions. On arrive enfin dans la basse Égypte, d’où on étoit parti au commencement de février, qui est le temps où la campagne offre à son tour une très-grande abondance aux abeilles ; alors chaque propriétaire va reconnoître ses ruches & les retirer, & profiter ainsi des récoltes faites dans la hauts Égypte.

Les italiens habitans les rivages du Pô, ainsi que les grecs, suivent l’exemple tracé par les égyptiens. Au rapport de Columelle, les grecs transportoient leurs abeilles de l’Achaie dans l’Attique, parce qu’elle donnoit des fleurs quand celles de l’Achaie étoient passées. Bien des personnes, dans le pays de Juliers, portent les ruches aux pieds des montagnes & des côteaux où abondent les fleurs qui sont passés dans les plaines. Cet usage est connu en France, & surtout en Bretagne, & pas assez suivi ailleurs ; un particulier d’Yèvres-la-ville, diocèse d’Orléans, envoyoit ses ruches dans la Beauce ou dans le Gâtinois, quelques fois même en Sologne. Les gâteaux étoient bien assujettis dans les ruches par quelques petits bâtons mis en travers : l’ouverture étoit fermée avec une toile claire, afin que l’air pût se renouveler sans laisser sortir les abeilles ;