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Italie, & y causoient de grands froids. L’atmosphère d’Italie a changé successivement, à mesure que la Hongrie, la Pologne, l’Allemagne se sont peuplées, que les terres ont été défrichées jusque sur les bords de la mer Baltique & de l’Océan Germanique. Enfin, plus la Russie mettra de terres en valeur, moins le froid y sera cuisant, & plus l’intensité de chaleur augmentera dans les climats du midi.

Dans l’espace de cinquante ans, on a vu le climat considérablement changer dans la Pensilvanie par le seul défrichement : c’est un point de fait attesté par tous les habitans. Que sera-ce donc, lorsque la liberté sera rendue à ce peuple cultivateur, lorsque sa population sera augmentée ? Encore un siècle, & les vignes assez multipliées, rendront les vins d’Europe un objet de luxe & non de nécessité.

Des pays très-étendus acquièrent un degré de chaleur considérable, tandis que d’autres perdent successivement, & deviennent de jour en jour plus froids.

On sait que l’empereur Prosper permit aux espagnols & aux gaulois de planter des vignes & de faire du vin ; la même permission fut accordée à l’Angleterre. Les raisins, sans le secours de l’art, n’y mûriroient pas aujourd’hui ; & on a vu à l’article Cidre, que l’on cultivoit des vignes en Normandie, dont on a été forcé d’abandonner l’usage & de le suppléer par les pommiers, vers le treizième siècle.

Le cadastre du Languedoc, levé en 1561, fait mention des ténemens occupés par de grands vignobles, & où il est impossible que les raisins rougissent seulement aujourd’hui.

On lit dans l’Histoire de Mâcon, qu’en 1552 les huguenots se retirèrent à Lancié, village dans le voisinage de cette ville, & y burent du vin muscat du pays, & en si grande quantité, que, s’étant un jour enivrés, les catholiques profitèrent de cette ivresse pour les écharper…Ces vignes en muscat, supposent donc qu’alors le climat de Lancié étoit à la même température, ou à peu près, que celle du Languedoc, telle qu’elle est de nos jours, puisque le muscat ne sauroit à présent mûrir à Lancié pour en faire du vin.

M. Buschin dit dans sa Géographie, que, selon les anciennes descriptions, le Groenland produisoit en quelques endroits de très-bon froment, mais que cet avantage n’existe plus ; que dans l’islande on ne peut à présent faire arriver le blé à sa maturité ; mais que cependant il y a plusieurs raisons de croire que les anciens habitans avoient cultivé le blé ; qu’il en est fait mention en termes exprès dans les anciens écrits islandois, & que ce fut vers le quatorzième siècle que les islandois abandonnèrent cette culture. Je ne finirois pas si je voulois rapporter toutes les citations connues en ce genre ; & tous nos lecteurs trouveront, sans sortir de leur canton, des preuves sensibles qui attestent, ou une augmentation ou une diminution de chaleur.

L’augmentation de chaleur tient à de grandes causes ; celles au contraire de la diminution sont presque toujours locales & plus rapprochées ; l’abaissement des montagnes & l’élévation des plaines sont les causes déterminantes. Ces montagnes jadis chargées de bois,