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Chaque piqûre d’insecte produit sur les grandes & petites nervures des feuilles, ce qu’une semblable piqûre, mais plus forte, opéreroit sur nos nerfs. Dans pareil cas on reste estropié, & la partie piquée se retire. Il en est ainsi des feuilles ; mais comme les piqûres sont faites indistinctement sur la même nervure, une partie se recoquille à gauche, l’autre à droite, &c. suivant qu’elle est piquée plus ou moins, & à différentes époques. Voyez l’article du charançon rouleur, page 26 de ce volume, & vous aurez une preuve plus en grand de ce que les piqûres des insectes opèrent sur les nervures des feuilles, & la forme singulière qui en résulte.

Malgré les observations les plus suivies, je ne puis pas dire avoir vu soulever l’épiderme par ces insectes, pour y déposer leurs œufs ; mais j’ai vu, & très-bien vu, dans les véhicules, les œufs & les vers. Comment y ont-ils été introduits ? Je suppose l’analogie & un travail semblable à celui des insectes armés d’aiguillons ou de tarières ; enfin, on ne peut nier que le puceron ne soit pourvu d’un aiguillon. La vie de cet insecte, autant que j’ai pu l’observer, est de deux à trois jours. Son corps, presque tout aqueux, se dessèche, se colle sur la feuille, au moyen de l’eau miellée qui en sort ; cette eau, à son tour, se dessèche, & la feuille semble être couverte d’un duvet blanc, que les paysans ont mal à propos nommé fil de la Vierge, fil de Notre-Dame. Or, les fils qui méritent ce nom sont produits par des araignées ; ils ont souvent plusieurs toises de longueur, voltigent dans l’air au printemps, & plus souvent en automne, pendant les jours calmes & sereins.

Si, suivant la mauvaise coutume, on a planté en espalier des pêchers en mi-tige, & entre-deux des arbres nains, les débris de ces cadavres desséchés tombent sur les feuilles de l’arbre inférieur pendant la chaleur du jour, les recouvrent, & les font beaucoup souffrir par l’arrêt de transpiration. Quelques arrosoirs d’eau, vidés sur ces feuilles, suffisent pour entraîner ces ordures.

Il ne me paroît pas que les pucerons des choux, des chèvre-feuilles, des pois, des lilas, soient de la même espèce, quoique peut-être du même genre. Je n’ai pu parvenir à les distinguer assez surement pour établir l’ordre de cette famille. Ces individus ont une certaine dissemblance que je ne puis définir ; les objets sont trop petits, & ma vue n’est pas assez bonne pour les observer pendant long-temps au microscope.

La nature a assigné un certain degré de chaleur pour faire éclore le ver de chaque insecte. Il n’est donc pas étonnant que M. de la Ville-Hervé ait observé que la cloque commençoit après des jours & des vents chauds ; je n’ai point apperçu de cloque, tant que la chaleur n’a pas été au-dessus de six degrés. Si ce n’est pas-là l’époque précise du moment où l’œuf éclôt & donne le puceron, elle en rapproche beaucoup. Malgré tous mes soins, il ne m’a pas été possible de découvrir ces premiers œufs ; étoient-ils collés sur les branches, sous les enveloppes des boutons ? je l’ignore. D’où sont donc arrivés ces insectes ; comment les premiers sont-ils parvenus à un arbre qui n’en avoit point auparavant ?