Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/425

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transpiration qui s’exécute pendant le jour. Les plantes qui se trouvent dans la circonférence de pareilles haies, doivent donc jouir de plus de fraîcheur, de plus d’humidité que si elles n’avoient point de clôture.

Peut-être conclura-t-on de ce point de fait, qu’il est inutile de clorre ainsi les terreins bas, & on aura raison, si ces terreins bas ne sont pas environnés de fossés capables de les dessécher. En effet, l’herbe de pareils terreins est presque toujours aigre & chargée de rouille.

Si les vents du sud ou du nord, ou tels autres vents sont impétueux, comme dans un grand nombre de provinces de ce royaume, soit dans l’intérieur des terres, soit près de la mer ; c’est-là que les haies boisées seront d’un avantage inappréciable. Les vents du nord y produisent un froid plus grand, proportion gardée, que les gelées mêmes, & un froid de cinq à six degrés y est plus cuisant, plus âpre & plus sensible qu’un froid de dix degrés derrière un petit abri. L’évaporation est en raison du courant d’air ; de sorte que cette grande évaporation produit sur les plantes des effets infiniment plus funestes que les grands froids. Entre mille preuves que je pourrois citer, je me contente de parler du froid du mois de février 1782, qui a singulièrement endommagé les oliviers exposés à un courant d’air, & n’a fait aucun mal à ceux abrités par de grands arbres, quoique dans la même position. Qu’après des pluies d’été, malheureusement si rares dans nos provinces méridionales, survienne un vent du nord, il est toujours violent, & en peu de jours la terre est aussi sèche qu’avant la pluie. Des haies boisées remédieroient à ce fléau, parce qu’elles briseroient le courant d’air. Les hollandois, peuple patient, infatigable & laborieux, & sans cesse attaché à combattre les élémens qui ne cessent de lui faire la guerre, ne sont parvenus à établir des cultures réglées au Cap de Bonne-Espérance, que lorsque leurs possessions ont été circonscrites, coupées & recoupées par des lisières de bambou. C’est avec ce roseau, prodigieux par son élévation, qu’ils sont venus à bout de braver les ouragans les plus furieux.

Tout le monde convient que la France est à la veille de manquer de bois de chauffage & de bois de construction ; mais à quoi sert de voir le mal, d’en gémir, de se lamenter, si les propriétaires, protégés par le gouvernement, ne concourent à prévenir avec lui cette disette ? On ressemble beaucoup au maître d’école de la fable, qui perd un temps précieux à sermoner un enfant tombé dans l’eau, au lieu de l’en tirer.

Je ne vois qu’un seul moyen d’y remédier, sans rien ou presque rien ôter à la culture. Les haies boisées, les clôtures des champs le fourniront, La Normandie, l’Angoumois, &c. ont depuis longtemps fourni cet exemple, auquel peu de personnes ont fait attention. Chaque propriétaire n’est pas en état de faire le sacrifice du terrein pour des forêts ; leur plantation est presque toujours au-delà de ses forces ; mais il est toujours assez aisé, s’il veut les clorre par des haies & par les arbres du pays. Varron conseilloit beaucoup ces sortes de clôtures ; mais je vois, avec peine, qu’il conseille l’ormeau. Je conviens que cet arbre croît aussi