Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/459

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la vente à l’étranger est plus profitable, & que bientôt son exemple, suivi par une multitude d’autres paroisses, rendra les débouchés intérieurs plus resserrés.

Le Notable. Comment pouvons-nous parvenir à établir des correspondances avec l’étranger ?

Le Seigneur. Sur la bonne foi & l’exactitude : sans cette base, notre édifice s’écroulera, & nous serons écrasés sous ses ruines. L’exportation pour l’Angleterre, la Hollande, la Suède, le Danemarck, la Russie, &c. se fait par mer, ainsi que pour tout le nouveau monde : celle pour la Suisse, les Grisons, l’intérieur de l’Allemagne, de la Saxe, a lieu par terre. Nous ne connoissons personne sur cette vaste étendue, & dans ces différentes dominations : sachons faire un sacrifice, & agissons de la manière suivante. L’expérience nous a appris que la confiance publique nous a facilité un vaste débouché dans l’intérieur du royaume : nos récoltes ont été bien vendues, &, sur-tout, bien payées ; notre bénéfice a été honnête. Consacrons-en chacun une légère partie, afin d’étendre nos débouchés : imitons l’homme qui seme ; il fait des avances pour gagner. Je dis donc :

Faisons imprimer le plan de notre société ; &, par nos correspondans, & par nos amis, établis sur les ports de mer du royaume, faisons-en remettre plusieurs exemplaires à tous les capitaines de bâtimens étrangers, qui en sortent, quelle que soit leur destination. Il faudra peut-être intéresser la personne chargée de la distribution de nos imprimés ; la société lui accordera une gratification pour ses peines, & avant la troisième année, ce distributeur deviendra très-inutile, puisque la société sera connue. Sachons semer à propos, & nous recueillerons ensuite.

Quant à l’exportation par terre, il y a deux manières de l’établir ; 1°. en faisant voyager dans le nord un homme de la société, & en répandant, dans chaque ville, un grand nombre de nos imprimés. Il conviendroit aussi, afin de mieux établir la confiance, que le voyageur y laissât un certain nombre d’essais.

2°. En remettant aux chefs des Bureaux des barrières, un certain nombre d’imprimés, qu’ils délivreroient à ceux qui acquittent les droits, & qui arriveroient au lieu de leur destination, avec leur chargement. Je conviens qu’il y auroit beaucoup d’imprimés complètement perdus ; mais, sur mille, si cent portent, la Spéculation devient très-avantageuse. Une barrique, offerte à M. le directeur du bureau, seroit un hommage de la reconnoissance de la paroisse envers lui.

Le Notable. Je suppose, en suivant le plan que vous nous tracez, que nous parvenions à faire des expéditions, & même considérables ; mais qui nous cautionnera leurs rentrées ?

Le Seigneur. Si vous supprimez la confiance dans le commerce, il ne peut exister : si la bonne foi en est bannie, il est détruit. Les piémontois, les hollandois, peuples toujours vigilans sur leurs intérêts, tracent eux-mêmes la marche à suivre. Du jour de l’expédition, ils annoncent aux demandeurs, qu’ils tirent sur eux, à tant de jours de date ; & souvent la marchandise n’est pas encore arrivée, que la lettre de change est payée. Il a donc fallu une confiance