Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/462

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Si le sol est naturellement aride, soit par le grain de terre, soit par la multiplicité de cailloux, pierres, &c. il sera certainement encore d’une valeur bien inférieure au premier. Quelle ressource doit-on donc en espérer ? On pardonneroit d’abandonner ce terrein aux communaux, si le pays manque de bras, & s’il n’est pas possible d’appeler des hommes qui travailleroient à mettre en valeur le moins mauvais : ainsi, dans l’un & dans l’autre cas, c’est du terrein sacrifié de gaieté de cœur, en pure perte. Que deviendront les troupeaux, demandera-t-on, si on défriche tout ? On répondra tout à l’heure à cette objection.

II. Des prairies & marais. La même distinction a lieu : il ne s’agit pas de grands raisonnemens pour prouver que ces communaux sont de nulle valeur, puisqu’il est impossible de récolter une botte de foin sur l’immense quantité de ceux du Soissonnois. Le seul coup d’œil sur ces prairies, décide la question. Toute terre foulée, dans les différentes saisons de l’année, par les pieds des animaux, se durcit, au point que les racines ne peuvent plus la pénétrer. Toutes herbes, dont les tiges sont sans cesse coupées, dont la végétation est sans cesse dérangée & contrariée, dépérissent insensiblement, ou s’amaigrissent, au point qu’elles ne contiennent plus de sucs, qu’elles sont rachitiques, &c. Voyez les expériences de M. l’Abbé Poncelet, sur la dégénérescence du blé, Tome I, page 285. Placez un bœuf, une vache, &c. dans une bonne prairie ; & vous verrez que chaque animal gâte, au printemps, vingt & trente fois plus de fourrage qu’il n’en consomme, lorsque l’herbe commence à pousser dans les communaux. Que sera-ce donc dans les communaux où l’animal est forcé de parcourir un espace immense, avant d’avoir trouvé le quart de la nourriture qui lui convient ? Cette herbe est bientôt dévastée, & l’animal trouve à peine, dans le reste de l’année, de quoi y brouter. En veut-on une preuve sans replique ? Que l’on considère ces troupeaux de bœufs, de vaches, de chevaux, qui passent les journées & les saisons entières au milieu de ces prairies ; & j’ose assûrer qu’on les verra tous maigres, décharnés, & les os prêts à percer la peau. S’il y a des exceptions à cette loi générale, elles sont en bien petit nombre : au moins, dans tous mes voyages, je n’en ai pu observer aucune. Si la chaleur survient, l’herbe est rasée de si près, que la prairie ressemble à une terre pelée, ou plutôt il ne reste que ses racines étiques. Que l’on vante, après cela, l’avantage des communaux !

Si la prairie est marécageuse, le mal est encore plus grand, & les animaux en plus mauvais état. Les plantes de la famille des graminées, la vraie nourriture du bétail, y sont rares ; les plantes aquatiques y surabondent, & toutes fournissent un pâturage aigre, délavé, & très-peu substantiel. Il n’est donc pas étonnant que le bétail soit de petite stature ; que les races s’y abâtardissent, & que leur amaigrissement soit général & extrême.

À ce vice essentiel, il s’en réunit un second, bien plus fatal encore, puisqu’il attaque la santé des habitans, & principalement dans les pays où le terme moyen de la chaleur de