Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/461

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afin de fournir à leur subsistance, & des communaux indispensables à la dépaissance des troupeaux de tout genre. À mesure que les serfs ont été émancipés, les seigneurs leur ont accordé en propriété, ou vendu des terres sous des redevances, censives, &c. Insensiblement les propriétés isolés se sont augmentées, ainsi que les terriers des seigneurs, & les communaux ont subsisté jusqu’à nos jours, ou à titre onéreux, ou à titre de concession gratuite. Ont-ils été ainsi conservés dans leur intégrité ? Il est bien prouvé qu’une grande quantité a été successivement & heureusement usurpée à l’avantage de l’agriculture, soit par le seigneur, jadis concessionnaire, soit par les particuliers : sans, cela, plus de la moitié du royaume seroit en communaux ; &, ce qui équivaut à ce mot, cette moitié seroit en friche. Malgré cela, il en reste beaucoup trop, & l’agriculture en souffre. Croiroit-on qu’à la porte, pour ainsi dire, de la capitale, dans la généralité de Soissons, 50 000 arpens de prés ou de marais communs, ne produisent pas une botte de foin, quoique la quantité déclarée en 1708, fût seulement de 33 231 arpens 72 perches, & que cette dernière quantité n’a pas pu supporter l’imposition de 1 s. 10 d. par arpent ?

Plusieurs recherches faites dans la généralité de Paris, déterminent à croire qu’il y en existe plus de 150 000 arpens. Que l’on parcoure actuellement les provinces de Bourgogne, de Champagne, d’Alsace, de Lorraine, de Franche-Comté, de Normandie, d’Auvergne, & sur-tout de Bretagne, de Guyenne, de Périgord noir, de Languedoc, de la Provence, &c. on sera étonné de l’immense quantité de terre sacrifiée aux communaux, & j’ajoute, en pure perte pour l’État. Cette assertion paroît être un paradoxe, & elle n’est point paradoxale.

Les communaux sont de plusieurs qualités. 1°. C’est un terrein inculte, cependant susceptible de culture, ou un terrein aride, dont les frais d’exploitation absorberoient les produits. 2°. Ce sont des prairies bonnes en elles-mêmes, & qui produisent une herbe quelconque pour le pâturage, ou des prairies marécageuses, qu’on peut dessécher. 3°. Ce sont des bois en bons fonds, & qu’on peut convertir en forêts ; ou des bois, ou plutôt des broussailles sur un sol aride.

1 °. Des terreins incultes. Nos meilleures terres actuelles ressembloient presque toutes, jadis, à des communaux : par la culture, elles sont devenues fertiles. Laissez le meilleur champ sans le travailler ; peu à peu les eaux pluviales entraîneront la terre de la superficie, & laisseront à découvert les pierres & les cailloux : la croûte se durcira, de chétives plantes végéteront çà & là, broutées sans cesse par les troupeaux ; les lichen couvriront les cailloux ; les mousses & autres plantes de cette famille s’étendront sur ce sol : enfin, l’herbe n’y croîtra plus, & même l’air atmosphérique, qui est au-dessus de ce sol, ne recevra plus ces émanations précieuses qui portent la vie & la nourriture aux plantes. Voyez les expériences des effets des différens airs, au mot Amendement, Tome I, page 481. Voilà donc une terre, excellente par elle-même, perdue pour l’agriculture, & de nulle valeur pour les troupeaux.