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& de la litière sèche, jetée sur les couches, suffisent, & défendent les jeunes plants contre la rigueur de la saison : en un mot, chacun doit se conformer au climat qu’il habite.

La fin d’avril, dans les provinces méridionales, est l’époque à laquelle les concombres, simplement semés sur couches, ainsi qu’il a été dit, sans cloches, sans châssis, commencent à étendre leurs rameaux. On les arrête au second nœud, lorsqu’ils ont six feuilles, & leurs seconds bras, à un œil au-dessus du fruit, lorsqu’il est noué, & ainsi de suite, à mesure qu’ils poussent de nouveaux bras.

En avril ou au commencement de mai, on replante, en pleine terre, les concombres semés en mars, & ceux semés en avril, mai & juin, lorsque les pieds sont assez forts.

Les jardiniers ont, presque par-tout, la coutume absurde de couper les fleurs mâles, qu’ils nomment fausses fleurs, au moment qu’elles paroissent ; parce que, disent-ils, elles absorbent la sève des autres, & leur nuisent : comme si la nature faisoit quelque chose en vain ! Ces prétendues fausses fleurs sont absolument essentielles à la fécondation des fleurs femelles ; la nature ne les multiplie pas, & ne leur fait pas devancer les autres sans raison.

Est-il nécessaire de pincer, d’arrêter les bras ? D’où vient cette méthode ? peut-on, sans risque, la supprimer ? Voila des questions que les jardiniers, jaloux de s’instruire, devroient se faire à eux-mêmes. Il est constant que si, dans un petit espace, comme, par exemple, sur une couche, on veut avoir beaucoup de fruit, on est forcé de serrer les plants, & de retrancher les bras. Il en est ainsi dans un petit coin de jardin ; mais lorsque l’étendue ne manque pas, il convient de livrer la plante à elle-même. Encore une fois, la nature lui a donné les moyens d’étendre au loin ses tiges sarmenteuses ; ne la contrariez donc pas, elle connoît mieux que vous ses loix & ses fins. On dira peut-être que les fruits en seront plus gros, mieux nourris, parce que la sève y sera plus abondante, &c. C’est un raisonnement captieux, & voilà tout. Je demande, à mon tour, à ces jardiniers : arrêtez-vous les courges, les citrouilles, les potirons, les courges longues, qui occupent une bien plus grande superficie de terrein ? Non : eh ! pourquoi donc arrêter les concombres, qui végètent suivant la même loi que ces plantes vagabondes ? Apprenez donc que le nombre des fruits est toujours en raison des rameaux & des feuilles ; que les racines des arbres même suivent cette proportion. Taillez un ormeau, par exemple, en tête semblable à celle d’un oranger ; ses racines auront très-peu de longueur : livrez cet arbre à ses propres forces, & ses racines iront au loin chercher la nourriture nécessaire à ses branches. Si, dans les plantes cucurbitacées, les racines ne sont pas proportionnées à l’étendue des rameaux, remarquez que la nature les supplée par des feuilles amples & en grand nombre, & que ces feuilles nourrissent la plante & les fruits. Si vous en doutez, supprimez toutes ces feuilles, & vous verrez les tiges, les fruits souvent périr, ou au moins languir, jusqu’à ce que des feuilles nouvelles leur aient apporté de nouveaux sucs, & les aient, pour ainsi dire, rappelés à la vie.

Si vous craignez que les fruits ne