Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/514

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont toutes les parties se divisent en autant de faisceaux séparés, qu’il y a de portions détachées dans la corolle, ou de pétales : mais il faut encore un très-grand nombre d’observations pour confirmer & développer cette idée.

Les pétales ne sont pas tous disposés, dans les boutons, de la même façon, & la variété que l’on observe dans ce genre, est très-considérable : nous en allons citer quelques-unes seulement. Dans le bouton de la rose, les pétales sont couchés les uns sur les autres, en se contournant un peu vers l’extrémité, où ils forment une petite pointe : l’œillet offre le même arrangement. Dans les renoncules ils sont seulement appuyés les uns contre les autres, à peu près à la même hauteur. Ils sont ployés dans les pois & le coriandre, & ces plis sont simples ; ils sont doubles dans les bluets & les jacées. Il se trouve des fleurs, suivant la remarque de Grewv, où les pétales sont en même temps ployés & couchés les uns sur les autres, comme dans les soucis & les marguerites ; car, quand ces fleurs commencent à s’ouvrir, on voit que les pétales sont couchés les uns sur les autres ; & quand ils sont presque tout développés, il est aisé de remarquer qu’ils font chacun deux plis. Dans la clématite, ils sont roulés en dedans ; dans les mauves, ils sont contournés en vis ; dans les liserons, les pétales sont ployés en même temps qu’ils sont disposés en spirale, depuis le haut jusqu’en bas.

À mesure que les sucs nourriciers affluent dans les pétales du bouton, par les vaisseaux qui s’abouchent à leur base, les nervures, ou, comme nous l’avons remarqué plus haut, les gros vaisseaux acquièrent de la force, & en même temps de la roideur ; les trachées prennent de l’élasticité par leur forme spirale ; le mouvement, principe de vie, s’établit, & le développement se fait ; (Voyez le mot Accroissement) les pétales se déroulent, s’élargissent, se colorent, se parfument ; enfin, ils acquièrent ce point de perfection que la nature leur a marqué pour charmer tous nos sens.

Mais tout passe dans la nature : plus l’être vivant se perfectionne, & plus aussi il tend vers sa dégradation & sa mort. Aussi, à peine la corolle a-t-elle atteint son terme, qu’elle commence à se passer : l’évaporation insensible étant plus considérable que la quantité de substance apportée par les sucs nourriciers, la réparation n’est pas égale à la perte : les vaisseaux se dessèchent & s’obstruent, sur tout à l’onglet ; le suc, que contient le parenchyme & les utricules du réseau cortical, se décompose par la fermentation dont il est susceptible ; il altère la substance même du pétale ; il languit fané & sans vie ; il se détache de son support, & tombe. La vie de la corolle est très-courte, en comparaison de toutes les autres parties du végétal : c’est un instant ; souvent le même jour qui la voit naître, la voit aussi mourir ; & ce chef-d’œuvre de la nature, qui, le matin, captivoit nos regards & nos hommages, est oublié ou rejeté le soir même. Tel est le sort infortuné de la beauté.

§. III. Destination de la Corolle.

Mais la nature, qui ne fait rien sans vues & sans desseins, pourquoi a-t-elle donné une vie si courte à la