Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/527

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l’autre, & observe scrupuleusement qu’il ne reste point de cavité : il continue ainsi de lit en lit, jusqu’à ce que la couche ait acquis sa hauteur. Les bords doivent être beaucoup plus battus que le milieu ; plus la paille est battue & serrée, mieux la chaleur se conserve, & plus elle est forte. Si la litière est sèche, il faut légèrement la mouiller avec l’arrosoir à grille : trop d’eau exciteroit une trop prompte fermentation, & la chaleur dureroit peu. Lorsque tout est bien rangé, bien disposé, on couvre la couche, soit avec le terreau formé par une vieille couche, soit avec de la bonne terre franche bien amendée, passée à la claie, & préparée par avance depuis plusieurs mois. Le terreau laisse plus facilement évaporer la chaleur de la couche, que la terre franche. Plusieurs jardiniers disent que cette terre sera brûlée par la première chaleur de la couche, c’est-à-dire, que cette chaleur fera dissiper les principes utiles à la végétation qu’elle contient. Cette observation mérite qu’on y fasse attention. Un peu avant de semer, on peut la changer & lui en substituer une autre, tenue auparavant dans un lieu chaud, & approchant du même degré de chaleur que celui de la couche, afin de ne la point refroidir lors du changement. On laisse ensuite cette couche livrée à elle-même ; peu à peu la fermentation s’établit, la chaleur devient sensible & successivement très-forte, & trop forte pour presque toutes les plantes. On connoît la diminution de sa chaleur par l’affaissement de la couche, & sur-tout en enfonçant la main dans le terreau. Dès qu’elle est au point, on régale le terrein, c’est-à-dire, on l’unit, on l’aplatit. Cette opération n’est pas suffisante ; il faut tenir avec le genou, contre les parois de la couche, une planche, & serrer le terreau ou la terre contre cette planche, & par-dessus, & ainsi tout autour de la couche, afin que cette bordure n’éboule pas dans la suite, & qu’elle soit assez pressée pour servir de rempart à la terre qui l’avoisine. La nature des plantes qu’on veut semer ou repiquer sur couche, décide de l’épaisseur du lit de la terre. Le melon, le concombre, les petites raves demandent plus de terreau que les laitues, &c. C’est donc sur la manière d’être des racines, qu’il faut se régler pour l’épaisseur de la terre.

Une semblable couche, depuis l’instant qu’elle a jeté son feu, se soutient dans un état de chaleur convenable, pendant douze, jusqu’à quinze jours, & quelquefois moins, suivant la manière dont elle a été piétinée & battue, &, sur-tout, suivant l’espèce de paille qui a servi à la litière. La paille d’orge s’échauffe plus promptement, & sa chaleur dure moins : celle d’avoine conserve mieux sa chaleur que celle de seigle, & moins que celle de froment. Je ne crois pas que personne ait encore fait ces observations : je préfère celle de froment ; je m’en suis convaincu, non pas pour des couches, mais en faisant des expériences sur la chaleur de la fermentation de dnifférens engrais. Je prie ceux qui sont dans le cas de faire des couches, de me communiquer leurs observations sur l’effet des différentes pailles.

On peut faire des couches avec le tan seul ; elles durent très-long-temps.