Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/559

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

craie, Enfin, après quelques années, ou dès que l’herbe ne pourroit plus étendre ses racines, ce qui seroit annoncé par son dépérissement, je retournerois profondément cette terre, & elle produiroit enfin du blé. Ce n’est pas tout : après la première récolte du blé dont on auroit laissé le chaume très-haut, on l’enterreroit par un fort coup de labour, & on sèmeroit par-dessus du sarrasin ou blé noir qui, à son tour, seroit enfoui dans la terre, du moment qu’il seroit en fleur. La paille du chaume & celle du sarrasin tiendroient la craie soulevée pendant l’hiver ; l’eau pénétrerait la craie ; & celle de la superficie, bien divisée, bien triturée, se pénétreroit de l’air atmosphérique, de ses principes & de ceux de la lumière ; enfin les gelées la diviseroient à une plus grande profondeur : voilà une théorie certainement établie sur de vrais principes. Cependant, agriculteurs, qu’elle ne vous séduise pas ! consultez vos moyens avant de vous livrer à la pratique : rappelez-vous qu’à force de dépenses & de travail, on parvient à rendre fertiles les rochers les plus nus ; mais laissez aux gens riches la satisfaction d’abaisser les montagnes & de combler les vallées. Contentez-vous donc, chaque année, de mettre en réserve une somme proportionnée à vos moyens ; & lorsque le moment sera venu, défrichez, ainsi que je le dis, une portion de terrein, & que la dépense, sur-tout, n’excède pas vos réserves : petit à petit vous créerez un sol végétal, &, à la longue, de bonnes récoltes vous dédommageront de votre persévérance.

On lit, dans le Journal économique du mois de juillet 1762, un mémoire dans lequel l’auteur prescrit de planter des mûriers dans la craie bien défoncée. Ce conseil me paraît diamétralement opposé aux loix de la végétation. Il est démontré que, dans la craie, les racines d’un arbre quelconque n’y peuvent pas plus pénétrer que dans l’argile pure ; il faut donc, de toute nécessité, qu’elles tracent. Le cultivateur qui aura défriché, ainsi que je l’ai dit, est assuré que toutes les racines majeures du mûrier traceront au moins de dix pieds par année ; qu’elles absorberont la substance des grains ; que l’arbre sera toujours de médiocre valeur, ses feuilles jaunes, miellées, &c. & que s’il plante des ormeaux, le mal sera encore plus grand. Il faut qu’il se contente de multiplier les herbes, & non les arbres ; de former de la terre végétale, afin de la combiner avec la craie. Peu à peu cette combinaison lui fera perdre sa couleur blanchâtre, qui s’oppose aux effets des rayons du soleil, parce qu’elle les réfléchit, & par conséquent cette terre est moins échauffée qu’une terre dont le sol est de couleur rousse ou brune.

Quelques auteurs ont encore conseillé de brûler les chaumes sur place, afin de fertiliser la craie : mais ils n’ont donc pas fait attention que les sels ne manquent pas dans cette terre, & que cette surabondance est plus nuisible qu’utile ? Ce qui lui manque, je le répète, c’est la substance animale, qui doit être convertie en savon par la combinaison du sel alcali avec elle & la terre friable, pour tenir ses parties séparées. Le sable pur produira ce dernier effet ; & s’il est mêlé avec des engrais, la