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alors la marne la plus pure. Il est très-rare d’en trouver de pareille. Cependant, au milieu des masses, on voit des noyaux de craie, plus blancs, plus friables que le reste ; & même souvent la coquille des oursins, ou de tel autre animal marin, leur sert encore d’enveloppe.

Au mot Agriculture, on trouvera, dans l’article du Bassin de la Seine, l’indice de la couche immense de craie qui traverse une très-grande partie du royaume de l’orient au nord-ouest, & se propage jusque dans l’intérieur de l’Angleterre. Il s’agit actuellement d’examiner s’il est possible de rendre la craie productive ; ensuite, de quelle utilité elle peut être aux terres de qualité différente, dans les arts & en médecine.


CHAPITRE PREMIER.

Examen sur la possibilité de rendre la Craie productive.


Ce qui rend infertiles les pays à craie, est sa ténacité & son imperméabilité à l’eau. Divisez la craie, unissez-la aux substances animales & végétales, & elle deviendra très-productive, parce qu’elle contient un sel alcali, (Voyez ce mot) très-soluble dans l’eau, & qui s’unit intimement aux substances graisseuses & animales, ainsi qu’il est dit plus au long au dernier article du mot Culture, où j’établis mes principes sur l’agriculture.

Il est aisé de dire, divisez la craie, &c. mais qu’il y a loin du conseil à la pratique ! malheur à celui qui le suivroit en grand, à moins qu’il ne fût immensement riche, & que, par motif de charité, il ne voulût faire gagner le pain aux malheureux qui le mendient ou qui en manquent. La division de la craie n’est pas le plus difficile ; le point capital est de la rendre perméable à l’eau, & de la tenir en même temps soulevée, afin qu’elle ne revienne pas à son premier état de solidité. La seule addition d’une autre terre friable peut opérer cet effet. On doit dès-lors juger à quelle dépense prodigieuse on sera entraîné. Quel est le cultivateur en état de s’y livrer ? Aussi voit-on la pauvreté régnante dans presque tous les pays à craie : c’est un sol sans herbe & sans arbres. La vue du voyageur qui parcourt la Champagne pouilleuse, est singulièrement flattée, lorsqu’après en être sorti, elle se repose enfin sur des champs couverts de verdure, & chargés d’arbres. L’effet de la blancheur de la neige n’est guère plus funeste aux yeux que celle de la craie, augmentée par les rayons du soleil. On peut donc regarder ces pays comme presque entièrement nuls pour l’agriculture : on les laboure cependant en partie, & les plus chétives récoltes en seigle, en sarrasin, sont le produit de cette culture. Il vaudroit mieux que le propriétaire labourât moins d’étendue, dérompît le sol à la profondeur de douze à dix-huit pouces, après l’avoir chargé de sable & d’engrais. Je ne demanderois pas du blé à ce terrein ainsi préparé, mais une masse d’herbe quelconque ; je le sèmerois en prairie, ou en esparcette, vulgairement appelée sainfoin, afin que, par le débris des feuilles, des animaux, des insectes qu’elles auroient nourris, il se formât de nouvelle terre végétale, & une quantité de substance animale, proportionnée à celle du sel alcali contenu dans la