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froment, la même année qu’on a réduit une prairie en état de culture réglée : si la terre est d’une très-bonne qualité, il vaut mieux attendre la troisième année, parce que le froment, qui demande plus de substance que les autres grains, se trouvant dans un sol neuf capable de lui en fournir beaucoup, pousseroit si considérablement en herbe, qu’il verseroit. Il remarque encore que cette plante, étant plus vivace que celle des autres grains, resteroit plus longtemps verte, le grain mûriroit par conséquent trop tard : pour éviter cet inconvénient, il y fait semer de l’avoine, des légumes ou du chanvre pendant les deux premières années.

À l’égard des prairies maigres, remplies de mousse, situées sur un mauvais sol ; des terres qui ont été en jachère pendant plusieurs années, parce qu’elles sont peu fertiles, & dont la surface est couverte de gazons, M. Duhamel propose de les écobuer ; (Voyez ce mot) pour les brûler, afin que les cendres du gazon & des plantes fertilisent le terrein. Cette opération, qu’il regarde comme très-utile, quand elle est faite à propos, peut être nuisible, si on ne la fait pas avec beaucoup de précautions. Lorsque le feu est trop vif, il calcine la terre, consume les sucs propres à la végétation ; elle n’est plus alors qu’un sable stérile, ou une brique réduite en poussière, incapable de fertiliser.

IV. Des terres humides & pierreuses. Lorsqu’une pièce de terre est humide, parce qu’elle a un fonds de glaise ou d’argile, qui ne permet pas à l’eau de se filtrer, ou qu’elle est située de façon à recevoir les eaux des champs limitrophes, elle forme une espèce de marécage qui produit toutes sortes de plantes aquatiques, qu’on a bien de la peine à détruire entièrement. M. Duhamel exige qu’auparavant de labourer un terrein de cette espèce, on procure un écoulement à l’eau.

Lorsqu’un terrein a de la pente, il est très-aisé de le procurer, & chacun sait que les fosses en sont le moyen ; & la terre qu’on en retire à la longue, devient un excellent engrais.

Après cette opération, les joncs & toutes les plantes aquatiques, privées de leur élément, se dessèchent visiblement. Lorsque le terrein est bien desséché, l’auteur conseille de l’écobuer pour le brûler ; ou d’y passer la charrue à coutres sans soc, avant de lui donner un labour de culture, pour le disposer à être ensemencé.

Si le sol est d’une qualité à retenir l’eau, & qu’il ne soit marécageux que pour cette raison, il ne suffit pas de l’entourer de fosses, il faut encore en creuser quelques-uns de distance en distance dans l’étendue du terrein, en les faisant aboutir à celui qui est le plus bas. Quand on veut que la pièce de terre ne soit point coupée par tous ces fosses, il faut les combler avec des cailloux, en remettant ensuite la terre par-dessus ; mais alors on sera obligé de les rouvrir tous les cinq ou six ans, parce que la terre qui sera placée dans tous les vides que laissoient entr’eux les cailloux, ne permettra plus à l’eau de s’écouler. Après toutes ces opérations, l’on réduit aisément ces sortes de terreins en état de culture ordinaire, si toutefois le champ vaut la dépense nécessaire pour son dessèchement.