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Section II.

Des Terres en culture.

Exploiter une terre, c’est la mettre en état, en la travaillant, de donner les productions dont elle est capable. Pour cet effet, on laboure, on met des engrais, l’on sème, on cultive. M. Duhamel ne croit pas que les labours tiennent lieu d’engrais dans toutes les circonstances.

I. Des labours. Selon M. Duhamel, l’objet du cultivateur doit être de rendre ses terres fertiles, afin que leurs productions le dédommagent de ses soins & de sa dépense. Il ne connoît que deux moyens capables de produire cet effet : l’un par les labours, l’autre par les engrais. Quoiqu’il soit persuadé de l’utilité de ceux-ci, il lui paroît bien plus avantageux de rendre une terre fertile par les labours, lorsqu’elle est d’une qualité à n’avoir pas besoin d’autre secours. Pour qu’un terrein soit en état de fournir aux plantes les sucs qui contribuent à leur accroissement, ses parties doivent être divisées, atténuées, afin que les racines ayent la facilité de s’étendre. Le fumier, suivant M. Duhamel, produit en partie cet effet par la fermentation qu’il excite ; mais il pense que l’instrument de culture l’opère d’une manière plus efficace : outre qu’il divise la terre, il la renverse encore sens dessus dessous ; par conséquent, les parties qui étoient au fond sont ramenées à la surface, où elles profitent des influences de l’air, de la pluie, des rosées, du soleil, qui sont les agens les plus puissans de la végétation ; les mauvaises herbes qui épuisent la terre sont détruites & placées dans l’intérieur, où elles portent une substance qui accroît les sucs dont les plantes ont besoin. Une terre où l’on se dispense de quelques labours, soit de préparation ou de culture, sous prétexte des engrais qu’on y met, se durcit à la surface : elle ne peut donc point profiter de l’eau des rosées, de la pluie qui coule sans la pénétrer. M. Duhamel observe que le fumier expose à des inconvéniens qu’on n’a point à craindre des labours ; 1°. la production des plantes fumées est d’une qualité bien inférieure à celles qui ne le sont point ; 2°. les fumiers contiennent beaucoup de graines qui produisent des mauvaises herbes ; ils attirent des insectes qui s’attachent aux racines des plantes & les font périr. Toutes ces considérations l’ont décidé à multiplier les labours dans les terres d’une bonne qualité, au lieu de les fumer. Aussi, en recommandant les engrais, il conseille toujours de les réserver pour les terres peu fertiles & de labourer fréquemment celles qui ont un bon fonds.

En établissant pour premier principe de culture la fréquence des labours, l’auteur observe, que la plupart des cultivateurs imaginent qu’elle est nuisible à la fertilité de la terre, qui perd une partie de sa substance quand elle est trop souvent cultivée. Il répond à cette futile objection ; 1°. que l’évaporation n’enlève jamais que les parties aqueuses & non point celles de la terre ; 2°. que dans bien des circonstances cette évaporation est utile ; 3°. en supposant que les labours donnent lieu au soleil d’enlever les parties humides nécessaires à la végétation, les pluies qui arrivent, après que la terre a été