Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/613

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qu’on enlève par ce moyen peut-être les trois quarts de l’aliment destiné aux végétaux. Quoique M. Tull, dont tout le systême de culture est établi sur la fréquence des labours, ait observé que de deux portions d’un même champ, celle qui avoit reçu un plus grand nombre de labours, donnoit une récolte plus abondante, M. Fabroni ne regarde point cette expérience comme décisive en faveur du labourage ; il ne considère dans la suite de cette méthode qu’un effet trompeur, qu’on doit attribuer à l’inégalité de la surface du champ rendue telle par les labours fréquens ; en conséquence de cette inégalité, le terrein offroit donc une plus grande surface aux rayons du soleil, qui ont augmenté en proportion l’évaporation ordinaire des principes volatils. L’abondance de la récolte étoit par conséquent, suivant M. Fabroni, une suite nécessaire de l’évaporation des sucs nourriciers & non pas des labours.

Pour ménager le terrein & ne pas accélérer sa sterilité, M. Fabroni est du sentiment de labourer très-peu ; quoique les labours paroissent d’abord contribuer à la fertilité & à l’abondance des végétaux, il est persuadé que leur effet apparent a séduit MM. Tull & Duhamel : s’ils avoient répété l’expérience dont nous venons de parler, pendant plusieurs années de suite sur le même terrein, il croit que la portion du champ la plus labourée auroit acquis une fertilité très-grande dans les premières années ; mais s’épuisant peu à peu par l’évaporation forcée qu’auroient occasionnée les labours, elle auroit été réduite dans la suite à une stérilité totale ; tandis que la moins labourée n’auroit encore donné aucune marque de dépérissement.

Dans l’état actuel de l’agriculture, M. Fabroni ne reconnoît que deux labours véritablement utiles pour préparer la terre à être ensemencée en froment. Le premier est celui qu’on doit donner immédiatement après la moisson, pour renverser & enterrer les chaumes qui servent d’engrais en bonifiant le terrein ; le second, celui qu’on fait pour disposer la terre aux semailles. Il prétend même qu’on pourroit absolument se dispenser du premier, qu’il suffiroit d’arracher le chaume à la main, tout de suite après la moisson, & de le répandre sur toute la superficie du champ : en se décomposant par une fermentation lente, il fertiliseroit le sol d’une manière peu sensible, il est vrai, mais plus durable qu’étant enfoui. Il est inutile & même souvent très-nuisible, selon M. Fabroni, de sillonner la terre à une trop grande profondeur.

Voici les raisons sur lesquelles il se fonde pour improuver la méthode des profonds labours : 1°. la plupart des plantes annuelles n’enfoncent pas leurs racines à plus de six pouces : par conséquent, si l’on ameublit la terre pour leur procurer une libre extension, il suffit de donner aux sillons six pouces de profondeur. Les meilleurs terreins n’ont qu’un pied environ de terre végétale : en faisant des sillons de dix-huit pouces de profondeur, sous prétexte de ramener à la surface la terre qui n’est pas épuisée par les productions des végétaux, on s’expose à enfouir la terre fertile ; à ramener à la superficie du gravier, du sable ; enfin une terre qui n’est