Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/614

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas végétale. Voilà les inconvéniens du labourage trop profond.

Section III.

Des Jachères.

Les jachères, selon le sentiment de M. Fabroni, sont nuisibles aux progrès de l’agriculture, & inutiles pour la fin même qu’on se propose. En établissant les jachères, on a eu principalement en vue d’accorder un temps de repos à la terre, fatiguée par les productions des végétaux qu’elle a nourris, & de la préparer ensuite, par de nouveaux labours, à être ensemencée. Notre auteur pense que le repos est un moyen infructueux, d’entretenir la terre dans la fertilité ; il croit, au contraire, qu’on ne parvient à la rendre plus fertile, qu’en lui faisant nourrir continuellement le plus grand nombre possible de végétaux.

M. Fabroni ne comprend pas comment on a pu se décider à établir des jachères, dans l’espérance de faire acquérir à la terre de nouveaux principes de fertilité : ne devoit-on pas être convaincu, qu’il n’y a point de terrein plus couvert de végétaux, qui nourrisse un plus grand nombre de plantes que les bois & les prés qui ne sont jamais en jachère ? À l’aspect de tant de productions, il est étonné que les agriculteurs n’aient point conçu l’erreur ridicule de leur opinion sur les jachères. Suivant ses principes, elles sont donc inutiles pour la fin qu’on se propose ; 1°. puisque la terre n’est fertile qu’autant qu’elle nourrit continuellement beaucoup de plantes, dont les débris forment un terreau qui entretient sa fertilité ; 2°. la terre n’a pas besoin de ce temps de repos, pour qu’on puisse lui donner les labours nécessaires avant les semailles, puisqu’il pense que deux suffisent, & qu’on pourroit même en retrancher un sans inconvénient. Notre auteur, après avoir prouvé combien les jachères sont inutiles, relativement à l’objet qu’on se propose, prétend encore qu’elles sont nuisibles aux progrès de l’agriculture. Elles privent le cultivateur d’une portion considérable des fruits de la terre ; il est évident qu’en les adoptant, il renonce à la moitié ou au tiers de la récolte qu’il pourroit espérer ; mais l’effet le plus dangereux qu’elles produisent, est, selon lui, de hâter le dépérissement de la terre. Il appuie son sentiment à ce sujet, de celui de Desbiey qui prétend avoir appris par l’expérience, que les sortes de l’espèce de celles des landes, se perdent entièrement par l’usage des jachères.

En agriculture, l’expérience & le succès sont, suivant M. Fabroni, la meilleure méthode qu’on puisse proposer. Dans plusieurs pays, on fait d’abondantes récoltes toutes les années, sans que les cultivateurs accordent jamais à la terre un temps de repos. En Chine le terrein, dit-il, n’est pas d’une meilleure qualité que le nôtre, cependant on y fait plusieurs récoltes dans une année, & jamais la terre n’est en jachère. En Europe, dans une grande partie de l’Angleterre, du Brabant, de la Flandre, de la Normandie, du Tirol, du Piémont, de la Lombardie, de la Toscane, &c. on recueille, tous les ans, à peu près le même produit, sans laisser reposer la terre. Notre auteur rapporte tous ces exemples,