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le principe qui modifiera la sève dans tout l’individu. La nature ne complique pas la marche de ses opérations ; elle a placé le principe de saveur à l’orifice des racines de chaque plante. Lorsque l’amande d’une pêche, d’un abricot, &c. commence à végéter, mâchez la radicule, & vous y reconnoîtrez le goût du noyau ; elle sera même plus amère, parce qu’une partie de son principe sucré, développé avant sa germination, a servi à la produire : répétez la même expérience, lorsque cette radicule aura acquis plus d’étendue, & le même goût sera encore sensible. Mais pourquoi telle plante retient-elle plus d’eau, plus d’air, plus de sel, &c. que telle autre ? Nos connoissances ne sont pas encore assez étendues pour donner la solution de ce problême, qui est peut-être le secret de la nature.

XXII. Voilà donc le levain placé à l’orifice des racines, & à l’entrée de tous les pores absorbans de la plante. Ce levain opère sur les sucs qui y affluent, comme le levain sur la pâte, ou comme la salive opère sur les alimens que nous prenons, afin de les assimiler dans notre substance.

XXIII. La sève, comme on l’a démontré, est un fluide dans l’état savonneux, & le levain ou liqueur contenue dans la radicule est dans le même état ; de manière qu’il se trouve entre le fluide de la sève, & celui de la radicule, une affinité respective & la plus grande analogie. De-là naît la facilité d’appropriation de la sève par les racines les plus capillaires, & par leurs pores absorbans.

XXIV. Le but de toute végétation est de préparer le grain qui doit reproduire la plante : c’est-là son chef-d’œuvre, & le maximum de la nature. Ce grain est donc la partie la mieux élaborée, & composée des sucs les plus précieux de la plante.

XXV. Cette perfection des sucs s’oppose à l’entromission de tous ceux que la sève présente à l’orifice des racines, parce qu’il n’y a pas assez d’assimilation entr’eux ; une partie est rejetée, l’autre est admise dans le torrent, pour être ensuite épurée & mise en mouvement continuel par l’ascension & la descension de la sève, servir à l’édifice de toute la plante ; enfin à la formation des semences : l’air inflammable & l’huile sont les principes dominans de ces dernières.

XXVI. Il est facile à présent de concevoir pourquoi dans la terre de la même caisse, la laitue douce, l’oseille acide, le fédum acre, la jonquille parfumée, la rue puante, végètent & ont chacune le goût & l’odeur qui leur sont propres, puisque ces modifications dépendent des levains des racines.

XXVII. Mais veut-on perfectionner les fruits d’un arbre, ou changer leur manière d’être ? la greffe opère ce miracle. Si on se sert d’un écusson pris sur le même arbre, la sève sera simplement perfectionnée, parce qu’à l’insertion de l’écusson au bois, il s’est formé un bourrelet dont le calibre des canaux est plus petit que ceux par lesquels la sève montoit auparavant. Dès-lors ces canaux étroits & qui n’ont plus leurs lignes directes, ne reçoivent qu’une sève mieux préparée ; aussi la nature a eu grand soin de pourvoir les fruits d’une queue très-petite, proportion gardée avec leur grosseur, afin que