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les sucs les plus épurés y parvinssent seuls. Voilà le fruit perfectionné & non pas changé en un autre.

XXVIII. Pour changer la nature du fruit, ou plutôt pour la suppléer par une autre, il faut choisir l’écusson de la greffe sur un autre sujet. Prenons pour exemple un abricotier greffé sur un prunier. La sève absorbée par les racines, y reçoit le levain du prunier ; & si, dans la partie inférieure de l’arbre au-dessous de la greffe, il y a des boutons à fruit, ils donneront des prunes ; ce qui est dans l’ordre naturel ; mais cette sève en montant & pénétrant dans les tuyaux de la greffe de l’abricotier, est obligée de changer de manière d’être, & de se modifier suivant le levain qu’elle trouve à leur orifice, & par son changement elle donnera des abricots : il faut cependant qu’il y ait une certaine affinité entre la greffe & le sujet, autrement elle ne réussiroit pas ; c’est pourquoi la greffe du poirier manque nécessairement sur le cerisier, comme celle de l’amandier sur le pommier &c.

Conclusion : l’humus est la seule terre végétale, l’autre est terre matrice. Toutes les substances qui concourent à la végétation, doivent être réduites à l’état savonneux pour constituer la sève ; & la sève, uniforme pour toutes les plantes, s’élabore dans leurs calibres, en raison des levains savonneux qu’elle y trouve. Il y a même de plantes dont les sucs conservent toujours leur état savonneux ; la saponaire ou savonnière, employée en Suède au blanchiment du linge, en est une preuve ; beaucoup d’autres plantes offrent le même phénomène.

Section III.

Application de ces Principes à la Culture.

I. Des labours & des engrais. La culture a deux moyens de multiplier la terre soluble & de faciliter son union avec les substances réduites à l’état savonneux. Ce sont les labours & les engrais, sous ce mot engrais je comprend les herbes.

II. Les labours sont ou seuls ou unis aux engrais.

III. Par les labours, on s’est proposé de diviser les molécules de la terre ; 1°. afin de multiplier le nombre de celles destinées à recevoir les impressions des météores ; 2°. afin que les racines eussent plus de facilité à s’étendre, & que touchant par un contact immédiat un plus grand nombre de mollécules, elles absorbassent la substance savonneuse qu’elles contiennent.

IV. Par les engrais, on a voulu rendre à la terre des principes de fertilité, épuisés par les végétations précédentes, c’est-à-dire, lui fournir les matériaux de la substance qui deviendra savonneuse.

V. Les auteurs se sont persuadés de pouvoir suppléer les engrais par la fréquence des labours ; ils ont manqué leur but & à la longue, épuisé leurs terres.

VI. Ceux qui ont trop accordé aux engrais, ont eu de chétives récoltes pendant les premières années, sur-tout si elles ont éprouvé la sécheresse ; & d’excellentes dans les années subséquentes, parce que la combinaison savonneuse avoit eu le temps de se préparer & de s’exécuter.