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ont eu le temps de jeter de profondes racines, & de s’étendre au loin : si le soc n’étoit pas précédé des coutres, qui coupent en partie toutes ces racines, sa direction changerait à tout instant eu égard aux obstacles qu’il rencontreroit ; sa marche seroit donc considérablement retardée, & le laboureur fatigueroit beaucoup pour gouverner sa charrue qu’il auroit bien de la peine à tenir dans sa direction. Les coutres, au contraire, ayant fendu la terre, coupé le gazon, les racines des ronces, celles des mauvaises plantes, le soc ouvre & soulève la terre aisément, en suivant la direction que lui donne le laboureur dans le cours de son sillon, qu’il trace à la profondeur qu’il juge convenable. Quand on veut labourer un terrein en friche pour le mettre en culture, on conçoit toute l’utilité des coutres, sans lesquels la plus forte charrue ne feroit qu’un travail très-imparfait, qu’on seroit forcé de recommencer à plusieurs reprises.

CHAPITRE II.

De la construction des Charrues.

Section Première.

De la principale propriété de la charrue, dépendante de sa construction.

La marche d’une charrue, son entrure dans le sillon, l’égalité du labour qu’elle fait, la facilité de la conduire, de la gouverner ; toutes ces propriétés dépendent presque uniquement de la forme & de la perfection de sa construction : l’ouvrier doit par conséquent être très-exact à lui donner toutes les proportions qu’elle doit avoir, & observer soigneusement toutes les dimensions qui conviennent à l’espèce de charrue qu’il construit. Dans la description particulière de chaque espèce de charrue, nous entrerons dans le détail des proportions qui lui sont propres, en indiquant autant qu’il sera possible les dimensions sur lesquelles il faut se régler pour les construire.

La principale & la plus essentielle propriété de la charrue, consiste à piquer selon la volonté du conducteur, c’est-à-dire, à tracer un sillon plus ou moins profond ; c’est ce qu’on appelle donner l’entrure. Cette profondeur plus ou moins grande du sillon, ou l’entrure du soc dans le terrein, dépend principalement de l’ouverture de l’angle que forment l’âge ou la flèche avec le sep par leur assemblage : l’évaluation commune de cet angle est depuis dix-huit jusqu’à vingt-quatre degrés au plus ; voilà la mesure sur laquelle l’ouvrier doit se régler dans l’assemblage des pièces qui composent sa charrue. Dans la pratique, c’est-à-dire, quand la charrue ouvre les sillons, son entrure dans le terrein est toujours relative à l’ouverture de cet angle. Quand on veut avoir un sillon profond, on en diminue l’ouverture, & on l’augmente si l’on veut qu’il soit moins profond : pour lors on détermine son ouverture par la ligne horizontale du terrein, & par celle de l’âge ou de la flèche ; ce qui est absolument la même chose, parce que le sep est toujours parallèle à la ligne horizontale du terrein. Si la charrue est mal faite, si l’angle que forment l’âge & le sep est hors des proportions indiquées, le laboureur ne peut point la gouverner de façon à lui donner