Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/664

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amplement des frais d’exploitation. Il y a donc toujours, dans ce cas, quelques raisons morales qui s’y opposent. Si le terrein est mauvais, je conçois très-bien comment les encouragemens n’ont produit aucun effet : cependant plusieurs personnes ont été séduites par l’exemption de toute dixme & de toute imposition royale pendant dix ans, & voici le raisonnement qu’elles ont fait : La dixme lève, en général, la onzième gerbe ; cette imposition ecclésiastique équivaut à la septième gerbe à cause des avances des frais de culture, & qu’elle se prend sur le produit le plus réel. Les impositions royales, sous toutes les dénominations quelconques, réduisent ces sept gerbes à quatre gerbes & demie ; de sorte que nous aurons effectivement un bénéfice de cinq gerbes & demie. Défrichons donc : peu nous importe que le terrein soit épuisé ou entraîné vers la dixième année ; notre spéculation n’en aura pas été moins bonne. Ces hommes raisonnent bien : tout ce qu’ils ont dit est arrivé, & le sol est aujourd’hui plus en friche que jamais ; il faudra peut-être un siècle pour lui rendre quelques pouces de terre végétale. Je parle d’après des faits. Avant cette exploitation, des troupeaux paissoient & vivoient sur ce terrein ; aujourd’hui, à peine ils y trouveroient un brin d’herbe.

Puisque nous avons, en général, plus de bonnes terres qu’on n’en peut parfaitement bien cultiver, par la privation des bras, je crois que les encouragemens désignés dans la déclaration du Roi, auroient dû porter seulement sur les bonnes terres qui sont négligées, soit à cause de l’éloignement des cultivateurs, soit parce qu’elles sont marécageuses ou noyées. Dans ce second cas, il en seroit résulté la salubrité du canton, & une augmentation de bonnes terres pour les villages qui en manquent.

Presque tous les pays à coteaux sont, en grande partie, ruinés depuis les grands défrichemens. Les sommets étoient garnis d’arbres ou de broussailles ; il s’y formoit, chaque année, de la terre végétale ; l’eau de pluie, retenue par leurs racines, l’entraînoit peu à peu vers le bas, & fertilisoit le coteau. Aujourd’hui ces eaux coulent comme des torrens, déracinent les pierres, charrient les terres bonnes & mauvaises, & le rocher reste à nu. Le grand Duc de Toscane a permis de défricher les coteaux jusqu’à une certaine hauteur ; mais avant de commencer cette opération, il a fallu que le propriétaire plantât en bois la partie supérieure. Avec une pareille modification dans la déclaration du Roi, on auroit évité la ruine de plusieurs contrées.

De ces défrichemens portés à l’excès ; car, en France, tout se fait par enthousiasme, il en est résulté la diminution des troupeaux, par conséquent des laines, & sur-tout des engrais qui sont le nerf de l’agriculture. Cet exemple est palpable en Languedoc, parce qu’on a mis en culture toute espèce de sol, & que, dans une très-grande partie, il n’y reste que le roc vif.

On a été tout étonné de voir un grand nombre d’oliviers périr dans les hivers de 1766, 1776 & 1781 ; & même, dans certains endroits, ils sont complètement perdus. Cela devoit arriver : le sommet des mon-