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tagnes, les coteaux, qui leur servoient d’abris contre les rigueurs du nord, se sont abaissés par la dégradation des bois & des terres qui les recouvroient ; dès-lors ils ont changé de climat. À peine aujourd’hui existe-t-il quelques oliviers à Montelimar : voilà la cause de leur dépérissement successif, &, dans quelques années, il n’en existera plus. La même observation a lieu pour les pays de vignobles : on se plaint que les vins de plusieurs cantons ne méritent plus la réputation dont ils jouissoient autrefois ; cependant on y cultive les mêmes plants, le travail est le même ; mais les abris ont changé. C’est encore par la même raison que les vignobles limitrophes des pays où la vigne ne sauroit prospérer, diminuent chaque année.

Si on vouloit calculer exactement la perte du terrein défriché depuis la déclaration du Roi, & la comparer avec le produit de ce qui a été défriché avec avantage, on trouvera certainement que le premier l’emporte du double sur le dernier. Ce seroit à tort qu’on m’accuseroit de critiquer la déclaration du Roi, que je respecte, & dans laquelle je vois empreintes les bonnes intentions du Père commun qui veille sur le bien de sa grande famille ; mais je critique avec raison, & je m’indigne contre l’abus qu’on a fait de cette sage déclaration. Mes compatriotes ! c’est à vous que je m’adresse, & que je dis : Cultivons moins, & cultivons mieux ; si nous défrichons de mauvais terreins, que ce soit pour les planter en bois ; ils vont manquer dans le royaume. Le luxe a introduit l’usage de dix feux dans une maison où deux à trois suffisoient, cinquante à soixante ans auparavant. Chacun abat les forêts, on n’en replante plus : ayons de la prévoyance, lorsque les autres en manquent, & nos plus chétifs terreins acquerront une valeur dont nous serons étonnés peut-être avant qu’il soit vingt ans.


CHAPITRE III.

Des Précautions à prendre avant, pendant et après le défrichement.


Il est bien difficile de prescrire ici des détails utiles à tout le royaume, puisque chaque climat exige des soins particuliers, & ces soins doivent varier suivant la nature du sol, & l’objet qu’on se propose de cultiver.

En général, les terres restées incultes ont un sol peu productif, ou bien elles sont sujettes à être submergées. Ces dernières ne sont pas les plus mauvaises, & souvent, entre les mains de bons cultivateurs, elles deviendroient les meilleures du pays, parce que les eaux y ont accumulé une grande masse de terre végétale. On pourrait les appeler des terres vierges.

Section première.

Avant le Défrichement.

Un homme raisonnable ne se laisse pas séduire par de brillantes chimères, & sur-tout par les écrits des auteurs qui, d’un coup de plume, rendent à l’agriculture des rochers escarpés, dessèchent des marais, en élèvent le sol, fertilisent l’argile par le sable, & le sable par l’argile, &c. Leur plume ressemble à la baguette des fées, qui produit les enchantemens, les merveilles & les métamor-