Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/691

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je conviens qu’une grande partie du terrein n’est plus marécageuse ; mais l’autre est inondée presque pendant tout l’hiver, & la semence ne germe pas, ou si elle germe, elle pourrit. Je conseille les fossés grands & petits dans les pays dépourvus de pierres & de cailloux ; dans ceux où l’on peut rassembler de telles pierres à un prix modéré, c’est le cas d’ouvrir un fossé principal qui traverse tout le champ dans la partie la plus basse ; ce fossé sera, par exemple, de six pieds de profondeur sur huit de largeur. Il sera rempli de pierres & de cailloux jettés confusément ensemble jusqu’à la hauteur de quatre pieds, & les deux autres pieds remplis avec la terre retirée du fossé, & mise de niveau avec celle du terrein voisin. À ce fossé principal correspondront tous les fossés collatéraux, en nombre suffisant, & pratiqués de la même manière. Il est impossible, si l’opération est bien faite, que la terre, que le pré, &c. restent submergés ou marécageux, quand même l’eau des sources sourderoit de toute part dans le champ. De quelque nature que soit le grain de terre, même d’argile, le point principal est que le grand fossé ait un écoulement, ce que le niveau indique d’une manière invariable. Il résulte de cette empierrement, 1°. que l’on a de reste les deux tiers de la terre tirée des fossés, & que, voiturée sur les endroits bas, elle les rehausse ; 2°. que l’on purge le champ des cailloux & des pierres inutiles ; enfin, que soit pré, soit champ, il est égoutté dans tous ses points. La moisson, l’herbe n’en seront pas moins abondantes sur le fossé même, puisqu’il reste dix-huit à vingt-quatre pouces de bonne terre ; aucune racine de plante graminée ne s’enfonce plus de six à huit pouces, & la luzerne, qui de toutes les plantes des prairies artificielles pivote le plus profondément, y réussit à merveille, même dans les provinces méridionales du royaume où si souvent la sécheresse est extrême ; parce que si elle gagne l’empierrement, elle y trouve encore une humidité suffisante à sa végétation. Je parle d’après ce que j’ai vu & plus d’une fois.

Ces empierremens sont singulièrement bien imaginés ; en effet, à quoi ressembleroit un champ, une prairie &c. sans cesse coupés & recoupés par des fossés. Pour peu qu’ils fussent en pente, les eaux pluviales agrandiroient les fossés, leurs bords s’abaisseroient, & petit à petit la partie du sol située entre deux fossés, imiteroit la forme du dos d’âne, & la pièce seroit ruinée pour toujours. Les empierremens, au contraire, permettent de niveler le terrein, & sur chaque fossé de tracer les larges sillons, qu’on nomme sangsues, afin de faire égoutter les eaux. La terre qui recouvre ces empierremens a été remuée plusieurs fois, de sorte qu’elle ne forme jamais une masse aussi compacte que la voisine ; ainsi l’eau la pénètre plus facilement, & quand elle est pénétrée autant qu’elle peut l’être, elle fait alors l’office d’un crible ; toute la partie superflue s’égoutte dans l’empierrement.

Mais, dira-t-on, les vides qui existoient dans le temps que l’empierrement a été fait, se rempliront peu à peu de terre, se combleront ; alors le remède deviendra pire que le mal. Que répondre à ce raisonnement ?